Après la secousse du Référendum, une nouvelle année de travail s’est engagée pour le Cercle Condorcet de Paris
Quelle que soit l’attitude de chacun face à la question posée, force est de reconnaître que la situation en France et en Europe a changé. Nous ne pouvons plus « faire comme si…. ». Les ambiguïtés de la Construction européenne sont apparues au grand jour, même si celles de la conduite des responsables de l’Union ne sont pas toutes levées, comme en témoigne la « fuite en avant » vers l’élargissement sans que les problèmes de fond que soulève celui-ci n’aient trouvé de solutions. Que voulons-nous ? Où allons-nous ? Vers une dilution de l’Europe ? Avons-nous renoncé à forger une solide communauté de destin ? L’Europe Puissance n’est-elle qu’une utopie ?
Le travail commencé au Cercle, au cours de l’année 2004-2005, a porté ses fruits. Nous avons analysé les inconvénients du monopole culturel de l’Occident. Nous nous sommes interrogés sur le caractère prétendument « universel » des valeurs que l’Occident impose au reste du monde : après la colonisation, l’impérialisme de la société de consommation…. Nous militons pour un « multiculturalisme » mondial, pour une fécondation mutuelle des cultures intégrant les apports des « histoires » de toutes les parties du monde. Le contenu des séances en plénières sur ces sujets (auxquelles a également contribué Monique Chemillier-Gendreau), a donné lieu à la publication d’exposés et textes de François Barré, Robert Bistolfi et Jean Chesneaux, membres du Cercle, ainsi que de Philippe Lazar, l’un de ses fondateurs, dans la brochure « Quels principes universels pour notre société mondiale en crise ? » qui vient de sortir.
S’agissant des phénomènes économiques et sociaux, nous avons pris conscience à plusieurs reprises du délitement des liens sociaux, de l’affaiblissement des solidarités. Nous avons constaté les dérives du capitalisme, les dégâts entraînés par la recherche effrénée du profit, la prépondérance du « court-terme » sur le moyen et le long terme. Ignacy Sachs, dressant le bilan décevant des promesses nées de la Conférence de Bandung en avril 1955 réunissant les pays « non alignés », a mis en évidence la nécessité de « sortir » de ce capitalisme actuel qui a imposé de façon mimétique et aveugle un libéralisme économique qui a ravagé le Tiers Monde. Nous avons, de fait, observé les conséquences du libre-échange généralisé sans réelle régulation à l’échelle de la planète et souhaité des formes d’échange « organisé ». Ignacy Sachs et Bernard Wolfer ont démonté le mythe en vogue de l’application de ces principes à l’agriculture. Pour leur part, Michel Cabirol et Emmanuel Mathias reprenant les conclusions des travaux d’un groupe du Cercle et Philippe Herzog, sur la base de son Rapport pour le Parlement européen, se sont efforcés de clarifier le débat sur le sujet « sensible » des « services publics ».
Nous avons réfléchi aux conditions du retour à une démocratie active et vivifiée dans laquelle le citoyen « auteur et sujet », pourrait s’affranchir du cadre identitaire uniforme actuel imposé par le marché. Nous avons souhaité dépasser les conflits « communautaires » en revisitant le concept de laïcité et lui donnant tout le sens qu’il devrait avoir de reconnaissance réciproque et d’égale dignité des cultures. Nous avons organisé, en ce sens, avec la Ligue de Paris, le 22 octobre, à l’occasion du Centenaire de la « Loi de 1905 », un Colloque, « La séparation Eglises-Etat : de la guerre au dialogue », avec la participation de représentants des principales confessions religieuses et du Secrétaire général-adjoint de la Ligue de l’Enseignement. Vous en trouverez un compte-rendu dans la présente lettre.
Enfin, le Cercle a fortement contribué à la mise sur pied d’une Université d’Automne d’Interclubs des 4 et 5 novembre dont il est rendu compte dans cette Lettre.
Le travail continue. Déjà, avec Stéphane Rozès, le 11 octobre, nous avons analysé soigneusement les tenants et les aboutissants du vote de nos concitoyens au Référendum sur la Constitution européenne, à partir de son expérience de « sondeur ». Pour la suite du programme 2005-2006, nous vous proposons une démarche à double détente :
– continuer le cycle des plénières en le focalisant sur les sujets économiques et sociaux abordés l’année précédente. En novembre 2005, nous aurons poursuivi l’analyse des transformations de la société française, sous les feux de l’actualité, avec la participation de Michel Wieviorka. En janvier 2006, Immanuel Wallerstein, qui n’avait pas pu assurer sa conférence au début de 2005, de retour à Paris, nous a promis, de retour à Paris, d’intervenir sur le thème : « Peux-t-on inventer des alternatives au capitalisme ? ». En février 2006, nous nous intéresserons, avec François Julien, au cas de la Chine, à la fois pour mieux comprendre les ressorts du monde chinois et le regard qu’il porte sur le monde occidental, en vue d’essayer d’anticiper son comportement futur ;
– continuer le travail sur les fondements de notre société en crise. Nous pensons être en mesure en février 2006 de proposer un programme étoffé sur ce thème.
Les évènements du mois de novembre dans notre pays, comme le désarroi d’autres peuples en Europe (en Allemagne, en Pologne, aux Pays-Bas, voire, en Italie) montrent qu’il est temps de prendre à bras le corps les problèmes de nos sociétés et de ne plus se contenter du discours lénifiant à base de médecine néo-libérale.
Mais pour mener à bien toutes ces tâches, nous avons besoin de vous. Venez nombreux.