Le temps est aux caricatures. Caricatures du Prophète Mahomet qui auront empoisonné le début de l’année 2006. Fallait-il manquer de discernement, de civisme aussi, pour les publier et ne pas prévoir que, complaisamment orchestrées, elles allaient embraser le monde musulman ! Fallait-il les publier à nouveau en France au nom de la liberté d’expression ? Il en va de la liberté d’expression comme d’autres libertés, la liberté des échanges notamment. À force de vouloir libérer les libertés, n’en fait-on pas trop souvent des caricatures au profit de prédateurs en tous genres… annonçant des sinistres remises en ordre comme celles auxquelles la caricature du libéralisme au début du XX ème siècle a conduit, en réaction aux dérives que l’on sait.
Il n’en demeure pas moins que – dans nos démocraties occidentales – la liberté d’expression est un droit fondamental, conquis de haute lutte. Le sens des responsabilités devrait toujours en régler l’usage.
Caricature de société, le capitalisme aujourd’hui, caricature de ce que voulaient ses promoteurs, inspirateurs d’un « libre échange adoucissant les mœurs ». C’est ce qui ressort des plus récents travaux et ouvrages sur le sujet. Le capitalisme, ne butant plus sur aucun obstacle, ne trouvant plus de limites à son appétit, serait en train de s’autodétruire, victime de ses excès.
Il serait vain de vouloir composer avec le capitalisme tel qu’il est aujourd’hui en espérant ainsi se faire une petite place. Il serait vain également de se contenter de jeter contre lui des anathèmes si l’on n’est pas capable de proposer un système viable de rechange. Il convient donc de le réformer en profondeur – ce qui peut s’apparenter davantage à des transformations révolutionnaires qu’à un réformisme bien tempéré – … voire de réfléchir à lui trouver des substituts. Ces questions ont été abordées dans le cadre des travaux d’Interclubs auxquels le Cercle Condorcet de Paris a apporté une large contribution. Le Cercle Condorcet et Convictions ont décidé de publier les meilleurs moments des deux « Université » qu’ils ont organisées durant l’été 2004 et l’automne 2005. Par ailleurs, le Cercle, en liaison avec Convictions, poursuit sa réflexion. La prochaine étape aura été la conférence de Immanuel Wallerstein sur le thème : « Peut-on inventer des alternatives au capitalisme ? ».
Une de nos grandes institutions républicaines est en crise. Malmenée par les évolutions rapides de la société, l’École – le système éducatif français – est en butte à de graves difficultés. Avec Éric Favey, Secrétaire national de la Ligue de l’enseignement, nous avons consacré une soirée à ce sujet que nous envisageons d’approfondir.
Pour prendre de la distance par rapport à une pensée occidentale trop centrée sur elle-même, le Cercle a fait appel à François Jullien qui nous a invité à la considérer d’un « dehors » : la Chine. La Chine est, en effet, la seule grande civilisation (dont les écrits sont parvenus jusqu’à nous) à s’être développée de façon totalement indépendante de toute influence de l’Occident. Le travail de François Jullien permet, non seulement de mieux comprendre les aspects souvent déconcertants de la Chine actuelle, mais aussi de mettre en examen de manière critique les fondements de la pensée et de la philosophie occidentales. Il fait ressortir que certaines interrogations de cette pensée ne font pas question dans la pensée chinoise et ouvrent de nouvelles voies à la réflexion philosophique européenne.
Autre caricature, trop souvent de la société d’aujourd’hui, la Ville, comme nous l’a rappelé la « crise des banlieues ». Poursuivant ses travaux sur les problèmes de société, le Cercle Condorcet a donc entrepris une réflexion de fond sur le thème de la Ville. Cette réflexion l’a conduit à examiner les transformations de l’espace urbain : les espaces publics traditionnels, lieux de rencontres et de dialogues propices à la création de liens collectifs, ne sont-ils pas en train de disparaître, laissant la place progressivement aux espaces privés individuels, au détriment du lien social ?
Dans cet esprit, après une analyse en cours de l’évolution des places et des rôles respectifs des espaces publics et privés au cours de l’histoire, puis du contenu juridique de ces notions, le Cercle a décidé de prolonger sa réflexion selon deux axes :
– les transformations de la Ville et l’aménagement urbain comme facteurs structurants (ou dé-structurants) de la vie dans la Ville ;
– les lieux possibles de re-création aujourd’hui de liens collectifs (au sein de l’école, des institutions culturelles, des bibliothèques, de la toile, etc…), compte tenu de la modification des rapports entre espaces publics et espaces privés, et le rôle de la gratuité en ce sens.
Dans le cadre de cette réflexion, à laquelle tous les membres du Cercle seront associés, des personnalités du monde de la culture, des architectes, des juristes, des sociologues, des philosophes seront sollicités et leurs interventions irrigueront le programme de « plénières » du Cercle.