Commentaires sur la crise financière actuelle

La crise financière actuelle qui s’est développée entre la mi 2007 et le début de 2008 et qui touche plus particulièrement les institutions de crédit immobilier a pour origine une distribution excessive par les banques de crédit à bas taux et sans aucune garantie : le crédit offert aux entreprises et aux particuliers était basé sur une anticipation de profit sans aucune créance ni garantie de revenu réel. Les risques ont été saupoudrés sur une multitude de titres plus ou moins illégaux établis en cascade (on parle de ‘titrisation’). Le système s’est effondré comme un château de cartes à partir du moment où la confiance a faibli. Cette crise est la plus violente depuis la fin de la dernière guerre mondiale et elle aurait eu des conséquences catastrophiques si les banques centrales américaine (FED) et européenne (BCE) n’avaient pas réagi rapidement en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars pour sauver les grandes banques de la faillite. Sans cette intervention massive la crise aurait eu l’impact dévastateur de celle de 1929. Il n’en reste pas moins que les dégâts sont importants auprès de certaines banques et des particuliers qui aux USA ont emprunté pour des opérations immobilières. Il en résulte une crise de confiance à l’égard des banques de crédit et, conséquence plus grave pour l’économie réelle, un manque de liquidité : après un crédit trop facile les emprunts seront plus difficiles, ce qui aura un impact certain sur la consommation et sur les investissements immobiliers. Nous ignorons comment le système financier mondial va maintenant réagir pour réduire les risques de nouvelles crises : il est probable que les règles de régulation des opérations financières seront durcies, que les règles comptables seront revues et que les organismes de contrôle et les agences de notation seront renforcés, permettant au capitalisme financier de poursuivre sa route faite de crises et de rebonds successifs. La croissance devrait être basée dorénavant davantage sur le capital que sur le crédit. Déjà la FED commence à racheter les titres effondrés, ce qui lui permettra de rentrer dans ses fonds lorsque la reprise sera au rendez-vous. H.Clinton propose un moratoire sur la reprise des maisons des propriétaires insolvables, en reduisant leurs charges, pour bloquer la chute de l’immobilier et limiter la casse sociale.
Aujourd’hui (Avril 2008) nous pensons que le plus gros de cette crise financière est derrière nous. Mais quelles vont en être les conséquences sur l’économie ? Aux USA il est sûr que l’impact sera fort du fait du fort taux d’endettement des ménages et de la plupart des entreprises américaines. Il devrait être beaucoup plus limité dans le reste du monde grâce à la montée en puissance des classes moyennes disposant de nouvelles ressources pour la consommation, en particulier dans les pays émergents, en Asie, en Amérique latine, en Russie, entre autres. Ceci va accentuer le basculement de la richesse et de la productivité des pays occidentaux vers l’Asie qui génère maintenant 50% de la croissance du PIB mondial. En Europe, grâce à la locomotive allemande qui continue de fortement exporter, l’UE est moins menacée que les USA. Toutefois, comme l’inflation à moyen et long terme n’est pas à craindre, les prix de l’énergie et des matières premières étant actuellement gonflés artificiellement par la spéculation, il devient urgent que la BCE baisse ses taux d’intérêt : la différence avec les taux de la FED n’est plus supportable, elle constitue pour l’Europe un handicap considérable. Si la BCE maintient ses taux actuels, notre croissance devrait chuter, ne permettant pas à l’Europe d’utiliser à plein son potentiel économique. Remarquons aussi que le problème auquel est confrontée l’Europe est tout autant celui du taux de change euro/dollar beaucoup trop élevé que du taux d’intérêt.
La situation de la France est moins favorable. Les possibilités financières de l’Etat sont plombées par un surendettement qui entraîne une charge annuelle équivalent aux revenus de l’impôt direct, pour le plus grand profit des créanciers étrangers. La situation des grandes entreprises, et en particulier celles du CAC-40 est excellente, mais la France n’en profite guère : le CAC-40 est du management de haute qualité, gérant du capital étranger (dont des fonds de pension US) et faisant travailler surtout des entreprises étrangères. La santé des autres entreprises, moyennes et petites, est plus critique : les carnets de commande sont pourtant bien remplis et elles seraient très compétitives si elles n’étaient pas frappées par une fiscalité inadéquate, qui taxe le personnel bien davantage que le capital. Elles éprouvent aussi beaucoup de difficulté à recruter du personnel compétent, la formation professionnelle de la France se révelant inadaptée.
Les charges qui pèsent sur la masse salariale freinent les embauches et poussent aux délocalisations. Laissons nos entreprises embaucher davantage avec des contributions salariales réduites et taxons davantage leurs bénéfices selon un progressivité croissante, ce qui permettrait aux PME-PMI de se développer et d’atteindre une taille critique. Cette mesure apparaît d’autant plus nécessaire maintenant que les entreprises risquent de rencontrer des difficultés pour emprunter, le crédit disponible étant plus rare. Il n’est pas normal que les sociétés financières commes les banques et les compagnies d’assurance qui dégagent des superbénéfices (30 à 40% annuellement de leur chiffre d’affaires pour les grandes banques) ne soient pas proportionnellement davantage taxées que les sociétés industrielles dont les profits sont toujours beaucoup plus limités (même la compagnie Total souvent dénoncée pour ses profits dégage un bénéfice équivalent à 7% de son chiffre d’affaires).
Plus généralement toute la fiscalité française est à repenser qui pénalise abusivement les revenus du travail (aussi bien pour les salariés que pour les entreprises) et insuffisamment ceux du capital ainsi que les très hauts revenus avec tous les avantages indirects qui les accompagnent. Les entreprises françaises sont aussi pénalisées par une durée du travail trop faible, la plus faible de tous les pays développés, que leur bonne productivité ne suffit pas à compenser. Les réformes dont la France a besoin sont nombreuses mais pour éviter l’explosion des inégalités sociales un consensus sur leur nature et leurs modalités d’application doit être trouvé avec tous les courants politiques, comme ce fut le cas dans le pays scandinaves et ailleurs. Celles qui pour l’instant sont envisagées par le pouvoir actuel relèvent davantage de la rustine que de réorganisations structurelles sérieuses. La seule réforme sensible de ce régime a été celle du…bouclier fiscal. Le moment serait pourtant venu de penser à jouer européen et de lancer avec nos partenaires de grands travaux dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, des infrastructures, et plus particulièrement dans celui de la recherche-innovation (pour résister à la concurrence commerciale des pays émergents nous devrions avoir toujours une technologie d’avance sur eux). Et n’est-il pas temps après la crise que nous venons de connaître de coordonner sérieusement les politiques économiques des membres de l’Union, en synergie avec l’action de la BCE qui de son côté gère la masse monétaire.

René IFFLY

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