par Jean GUILHOT, membre du Cercle Condorcet de Paris
L’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) regroupe environ quarante mille adhérents, et Henri Caillavet demeure son Président d’honneur ; mais d’autres associations mènent aussi le combat pour l’auto-délivrance assistée et l’euthanasie d’exception.
Ce combat vise une humanisation sans préjugés et sans restrictions médicales ou sociales, sans interdits idéologiques ou religieux, respectueuse de la personne ; ainsi qu’une démocratisation sans privilèges, et sans arrières pensées électorales, une personnalisation qui accorde à chacun(e) le droit et la liberté de choisir le moment, le lieu et les modalités de sa propre mort ; une socialisation dans un esprit de solidarité sans frontières et de partage fraternel, traduite par un contrat légalisable entre l’assisté et l’assistant auquel il a recours.
Il s’agit donc d’obtenir la légalisation de l’auto-délivrance, et de l’euthanasie d’exception, dans le cas (assez rare) où le sujet ne dispose plus d’une conscience claire et responsable.
Une telle légalisation comporte la dépénalisation de l’aide au suicide, et encourage des modes d’accompagnements respectueux du sujet, plus à son écoute, induisant une communication profonde et libérée de diverses aliénations, de tutelles relationnelles et de mystifications (idéologiques, religieuses, etc.)
Le combat ne se limite pas à des propositions de loi juste et conforme aux attentes ; il débouche sur l’élaboration d’une formation humaniste et d’une éducation civique de la société civile, comportant trois démarches :
*L’élaboration et l’avènement d’un humanisme scientifique, transdisciplinaire et transculturel, lié à des valeurs universelles libératrices et novatrices, fondement d’une nouvelle Déclaration universelle des droits et devoirs, libertés et solidarités, savoirs et pouvoirs mieux partagés
*La confrontation des acquis et des avantages proposés aux usagers par la loi Léonetti, adoptée le 12 avril 2005, pas en avant qui comporte cependant des limites et des restrictions antidémocratiques. Dans ses quinze articles, elle étend le droit du médecin face aux fins de vie, élargit son champ de manœuvre, lui permet de prendre des mesures efficaces pour soulager et hâter le départ de cas désespérés en augmentant les doses de médications sédatives et proscrit tout acharnement thérapeutique. Mais, si elle favorise et privilégie le médecin pour le mettre à l’abri de poursuites judiciaires, elle n’accorde pas d’avantages aussi importants au patient : celui-ci peut exprimer des « directives », rédigées au plus trois ans auparavant, refuser l’hospitalisation et les soins à condition d’en être capable, et mandater une « personne de confiance ». Mais la loi lui refuse une « auto-délivrance assistée » et certaines formes d’euthanasie d’exception lorsqu’il n’est plus en capacité d’assumer lui-même sa délivrance.
*L’approfondissement de la méthode des cas et de leur utilisation : c’est ce que défendait le professeur Schwartzenberg, face aux opposants à l’euthanasie. Propos que l’on peut ainsi résumer : « Dépassez donc vos discours idéologiques – fondés du reste sur des principes en partie erronés – pour répondre à ma question : Que faites-vous donc devant les cas concrets que j’évoque ? ».
Les cas désespérés sont plus nombreux qu’on ne le pense. Marie Humbert a ainsi reçu des centaines de lettres faisant état de situations tragiques, qu’elle a citées dans sa campagne pour une loi plus juste et conforme aux attentes.
La lutte pour l’humanisation et la démocratisation des fins de vie engage donc à un dépassement des actuels préjugés et ignorances. Liée à la fondation d’un nouvel humanisme, elle implique une réflexion et des propositions rendues possibles par les récentes découvertes scientifiques : sciences humaines, psychanalyse, socio-analyse, psychothérapie, mais aussi sciences cognitives, et un dépassement de l’héritage du passé qui pèse encore très lourd dans la conscience et l’inconscient collectifs, ainsi que dans nos croyances et idéologies.