Le rapport de Cédric Villani et Charles Torossian, remis au Ministre Blanquer, le 12 février 2018, a {{le grand mérite}} de porter l’Enseignement des mathématiques en France, au rang de {priorité nationale}.
Le document propose {{21 mesures}} pour améliorer le niveau en mathématiques des élèves français, qualifié de “catastrophique”, et faire aimer cette discipline, qui “occupe en effet une place à part dans les parcours scolaires”.
La notoriété de son principal auteur [[
{{Personne n’oserai songer à imaginer que ce grand mathématicien ait la moindre araignée au plafond}}]], couronné, en 2010, par la médaille Fields, le Nobel des mathématiques, semble suffisamment écrasante pour écarter toute interrogation sur l’intérêt de ce document
Ce dernier évoque dans son introduction[[ {{Quelques extrais du rapport Villani:}}
{..Depuis une douzaine d’années, les résultats de nos élèves en mathématiques ne cessent de se dégrader, y compris pour les meilleurs d’entre eux. C’est ce que montre [ l’enquête internationale Pisa -> http://up-magazine.info/index.php/societe/education-et-savoirs/7445-des-bleus-sur-la-bosse-des-maths?print=1&download=0&id=7445](Programme international pour le suivi des acquis des élèves)..
..À juste titre le monde politique s’en inquiète et pointe une urgence : remédier à une situation socialement et économiquement calamiteuse qui, si elle n’est pas corrigée, obère notre avenir….
…l’image actuelle des mathématiques est préoccupante…
…”Face à une telle situation, nous ne pouvons que nous interroger. Comment cet enchaînement, qui aboutit à une perte durable d’estime de soi se met-il en place ?..ou encore:
..”Comment une discipline, reconnue pour son utilité et ses vertus formatrices à la rigueur du raisonnement, peut-elle être perçue comme un repoussoir ?”..}
]]:
{{des résultats catastrophiques}}.
{{des professeurs en souffrance}}.
{{La disproportion entre les moyens investis
et les résultats}}.
Mais ce qui surprend dans ce texte, c’est {{l’absence complète}} de toute analyse, et même de toute mention, des{{ difficultés}} propres aux mathématiques elle-mêmes[[Les mathématiques sont [hors sujet et hors sens->http://psychanalyse-paris.com/Non-sens-et-hors-sens-du.html]]]. Comment espère-t-on proposer des remèdes efficaces à l’échec de l’enseignement, quand le diagnostique fait défaut. Cette lacune surprenante jette un doute sur {{l’intérêt}} de ce rapport, qui se limite à souligner, d’ailleurs avec raison, {{l’insuffisance de la formation et du niveau}} des enseignants. On lira avec intérêt la [critique approfondie qu’en fait Stella Baruk->https://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article290]
Lorsque l’on demande aux élèves actuels ou anciens, d’évoquer le souvenir de cette discipline,un grand nombre d’entre eux utilisent souvent des mots qui {{étonnent par leur violence}} comme {{“l’horreur”}} ou {{“la peur “}} des mathématiques.
Si l’on accepte de reconnaître que les mathématiques utilisent {{une langue écrite }}très particulière[[Il est significatif {{qu’aucun linguiste }} ne fasse partie de l’équipe chargée de ce rapport]], une langue de {{concepts difficiles}}[[le {{concept de nombre}} en est un exemple. {{On peut rapporter, en paraphrasant Platon}}(voir P. Chartier, communication privée), {{le dialogue suivant:}} Socrate voyant Agathon ranger 5 drachmes dans sa bourse , lui pose la question suivante:
{ {{Tu as bien mis 5 drachmes dans cette bourse , Agathon}} }?
{ {{Certes }} } fait Agathon.
{ {{Mais peux-tu me dire, Agathon, ce que tu n’y as pas mis?}} } reprend Socrate.
Et Agathon plongé dans l’embarras, rétorque:
{ {{par Zeus, je n’en sais rien et ne puis te répondre; éclaire-moi donc, Socrate, de ton savoir.}} }
{ {{c’est le nombre cinq, Agathon, que tu n’as pu l’y mettre}},} riposte Socrate
Le{{ nombre }} différent du {{chiffre}} qui est une écriture(signifiant) est, du point de vue des mathématiques, un {{concept}}; il paraît effectivement difficile de {{ranger un concept dans une bourse.]], une langue, en rupture avec le langage naturel, dont chaque phrase appelle une {{validation }}[[qui en garantisse le sens et l’exactitude]] on peut alors mieux comprendre pourquoi et comment l’apprentissage des mathématiques tel qu’il est ordinairement pratiqué, peut conduire, faute d’une traduction adéquate, à l’incompréhension et aux traumatismes qui en résultent.
{{Mais quelles sont donc les caractéristiques de cette langue? }}[[Laurent Lafforgue, Lauréat de la médaille Fields en 2002, Professeur à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques(IHES), [{Les mathématiques sont-elles une langue? } ->https://www.laurentlafforgue.org/textes/LangueMathematique.pdf]]]
c’est:
une langue universelle, que personne ne parle.
une langue écrite . La parole en est absente.
une langue sans sujet: le {“je”} n’existe pas.
une langue qui ne permet que d’exprimer vérité ou erreur.
une langue sans affecte et par conséquent dépourvue de {sens}, mais non bien sûr de {signification}.
une langue qui ne dit rien entre les lignes. Elle n’a pas de {sous-entendus}.
une langue que le langage ordinaire est incité à trahir.
une langue qui est faite pour affirmer et non pour communiquer.
une langue qui terrifie ou inversement qui protège.
une langue qui peut engendrer délire et pensée magique.
Le langage courant, cette langue maternelle, dont il faut bien se servir faute de mieux, cette parole boiteuse au regard de la langue des mathématiques, conduit l’élève, si on n’y prend garde, dans le quiproquo absolu. De {{ {l’absence de signification} }} ainsi engendré, surgit {{l’angoisse de l’incompréhension.
}}
Pour la dissiper, un élève, {{ensorcelé par son langage}}, est prêt à toute les concessions, tout les compromis: se réfugier au {{royaume de l’absurde}}, recourir à la {{pensée magique,}} voire au {{délire}} est un des moyens de s’en délivrer.
{{Stella Baruk}}, qui a consacré son travail à explorer avec les élèves, les aspects singuliers de la langue mathématique, et les problèmes du sens, raconte dans son livre “{{L’âge du capitaine}}”[[Stella Baruk, {L’âge du capitaine, De l’erreur en mathématiques}, Edition du Seuil, Paris 1985,]]une expérience effectuée en 1980 sur des enfants de CE1 et CE2, par des membres de l’Institut de Recherche en Mathématique (IREM) de Grenoble[[{L’age du capitaine}, opus cit. Equipe “Elémentaire” de l”Institut de Recherche en Mathématique(IREM) de Grenoble, bulletin n°323 de l’APMEP]], qui illustre parfaitement cette observation.
Sur un bateau, il y a 26 moutons et 10 chèvres. Quel est l’âge du capitaine?
Sur les 97 enfants interrogés, 76, soit près de 80% des élèves, ont répondu à cette question absurde en utilisant les nombres figurant dans l’énoncé.
Un exercice analogue a été expérimenté avec des professeurs à qui on présentait un questionnaire de 15 questions, lesquelles, à part la première et la onzième, étaient mathématiquement stupides.
Les résultats ont été aussi affligeants, que ceux de l’expérience menée avec les élèves
[[{L’age du capitaine}, opus cit. Alain Bouvier,{ Que nous apprennent les erreurs de nos élèves}, bulletin n°335 de l’APMEP]].
Les effet de la contrainte violente effectué par l’énoncé du maître supposé savoir, sa {{logique toute puissante}}, qui côtoie dangereusement l’univers de la {{ magie}} , donnera malgré tout à sa victime un moyen d’échapper à son enfermement, dans l’enfer que forme, pour l’élève malheureux, la disparition de la {{signification}} de la langue mathématique, balayée par {{le sens}} du langage courant qui la remplace . C’est alors ce dernier recours à la {{pensée magique}} qui, le croît-il, le sauvera de l’infamie, en lui dévoilant enfin l’âge du capitaine.
Mais c’est ce même blasphème contre l’esprit des mathématiques qui stigmatisera à jamais le malheureux élève, d’une erreur, jugée elle-même {{horrible}} et soulignée comme telle, par l’appréciation rageuse du correcteur, qui figurera immanquablement en rouge sur sa copie!