L’Economie Sociale et Solidaire: Point de vue de Michel Cabirol

Au-delà d’une présentation de l’Economie Sociale et Solidaire, les intervenants ont insisté sur les caractéristiques qui en font un secteur en lui-même (nous sommes loin de l’ancienne appellation de Tiers secteur).
Il est ainsi possible de sortir du faux débat :
– l’Economie Sociale et Solidaire alternative au capitalisme
– l’Economie Sociale et Solidaire comme palliatif au capitalisme : une économie de la réparation

– {{L’Economie Sociale et Solidaire : une autre vision du monde}}

L’économie Sociale et Solidaire est multiforme :
– entreprises d’insertion par l’économie
– chantiers d’insertion
– régies de quartier
– finance solidaire
– commerce équitable
mais toutes ces formes ont des caractéristiques communes :
– le profit n’est pas la finalité première même si une gestion rigoureuse et professionnelle s’avère indispensable
– des relations humaines différentes (une personne, une voix dans les coopératives ou ne laisser personne sur le bord de la route grâce à l’insertion) et une modification des comportements
– l’ancrage territorial est souvent clé (d’où un risque moindre de délocalisation)
– parfois le souci de solvabiliser certains besoins (plusieurs marchés de services à la personne rendus par des entreprises capitalistes classiques ont été défrichés par des entreprises solidaires ou des associations)
Cette vision est cohérente avec le concept original de développement durable qui reposait sur deux piliers : l’écologie (qui est fortement mise en avant actuellement) mais aussi le développement social (qui est d’autant plus délaissé que la fragmentation sociale/spatiale des sociétés croît {2} ).

Elle est aussi fidèle à ses racines historiques du 19ème et du 20ème siècle où coopératives, associations et mutuelles se sont créées face au -libéralisme (Loi Le Chapellier par ex.) ou au capitalisme pour promouvoir des relations humaines et de travail différentes , ainsi que pour réduire les risques et les inégalités {3}. Ces luttes ont aussi contribué fortement à la création de services publics forts en France.

-{{
Les Moyens de l’Economie Sociale et Solidaire}}

L’économie Sociale et Solidaire en France emploie près de 2 millions de personnes. Elle commence à drainer via l’épargne solidaire des sources significatives. Toutefois, les financements des collectivités locales restent indispensables.
Ce secteur ne peut pas se développer sans :
– des entrepreneurs et des bénévoles qui s’y investissent
– une évolution juridique : par exemple pour pousser les collectivités locales à inclure des clauses sociales dans les marchés publics (à condition que des efforts soient aussi fournis pour promouvoir les entreprises solidaires capables de remplir ces clauses et/ou pour aider les collectivités locales à éviter les contentieux)
Ce nouvel environnement permettra de sortir du bras de fer schizophrène :

Actionnaire Gestionnaire
vs
Consommateur Salarié
et de construire une nouvelle vision de l’activité humaine et de la société {4} .

-{{Les critiques de Droite et de Gauche vis à vis de l’Economie Sociale et Solidaire}}

L’Economie Sociale et Solidaire a subi les critiques de la Droite :
– elle fait du tort aux PME et fausse la concurrence (par exemple entre une entreprise de second œuvre du bâtiment classique et une entreprise d’insertion servant sur le même marché)
– sa productivité est faible. Le manque de coordination entre acteurs et l’empilement des structures sont souvent cités.
– elle a donc besoin de subventions, mais crée ainsi des charges budgétaires pour la collectivité
Pour la Droite, toute action réparatrice ou palliative visant à diminuer la précarité est souvent considérée avec condescendance.

Les critiques viennent aussi de divers courants de Gauche où elle génère souvent le scepticisme :
– l’Economie Sociale et Solidaire se situe en dehors des thèmes classiques de la redistribution
– elle risque de générer un désengagement de l’Etat au profit de la « charité » et de signifier la fin de l’ « Egalité Républicaine »
– certaines activités devraient avoir pour but de se transformer en service public et donc, à terme, de disparaître en tant qu’activité de l’Economie Sociale et Solidaire

– {{Conclusions}}

Malgré ses imperfections, l’Economie Sociale et Solidaire constitue un secteur dynamique. Elle représente un investissement très rentable par les coûts sociaux évités, les liens créés et la préservation des territoires. Sa souplesse lui permet d’offrir des réponses à des besoins dans les interstices du système et de répondre à des besoins marginaux ou marginalisés, ce que les collectivités locales ou l’Etat ne savent pas souvent faire.
Ainsi, elle génère une nouvelle vision du monde, participe au changement social et au débat démocratique.
Il faut donc considérer l’Economie Sociale et Solidaire comme un secteur en soi et cesser de vouloir l’opposer au système capitalistique ou de ne voir en elle qu’un complément réparateur marginal.

Michel Cabirol

1- cf Travailler et Apprendre Ensemble d’ATD Quart Monde à Noisy Le Grand
2 – cf Eric Maurin – Le ghetto Français
3 – Pour une vision historique plus complète cf Jean Loup Motchane « Ces territoires méconnus de l’économie sociale et solidaire » Le Monde Diplomatique Juillet 2000
4 – cf Manifeste de l’économie solidaire – Sept 2006

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