Par Susan George Vice-Présidente d’ATTAC et Éric Laurent
Directeur littéraire aux éditions PLON et Producteur à France Culture
Susan George commence son intervention en brossant un tableau du « Monde selon Bush ». Elle caractérise de deux manières le régime actuel des Etats-Unis :
• proto-fascisme – nationalisme – militarisme – obsession sécuritaire – mise à mal des droits civiques et des droits de l’Homme
• lobby croissant des grandes firmes ainsi que des élites proches du pouvoir
• regain d’influence de la religion dans le champ politique
• pouvoir de l’État hégémonique et chute libre de « la valeur travail » (syndicats en grande difficulté)
• augmentation de la population carcérale
Autant dire que Bush est en train d’achever ce qui subsistait du Siècle des Lumières dont les valeurs ont présidé à la création de ce pays.
L’autre manière est celle qu’exprimait déjà un historien anglais du 17ème siècle. Celui-ci disait en substance : « la réussite d’un individu dans la société est la preuve de l’amitié que Dieu lui porte. On ne doit donc rien aux pauvres. Leur échec social résulte de leur paresse ».
George Bush met en place le programme préconisé par de grandes fondations privées qui financent les partis de droite et définissent la teneur des débats publics. Ces organisations ont financé des générations de juristes, inspiré des politiques publiques réactionnaires comme la mise en place d’un État policier (super ministère « HomeLand Security » – « Patriot Act »), et ont aussi instauré le contrôle de la presse, conduit des attaques contre la liberté de l’avortement, œuvré pour la suppression des protections de l’environnement, ainsi que des systèmes de protection en matière de santé.
Ce qui caractérise cette politique, c’est le transfert des richesses des pauvres vers les riches. Le seul bémol a trait toutefois aux déficits énormes qui menacent ce régime : déficit du budget qui atteint 6% du PNB (soit 600 milliards de $), déficit commercial à la hauteur de 550 milliards de $.
Certes, l’Europe, mais aussi la Chine, le Japon (…), soutiennent le dollar, car il y va de leurs intérêts…mais la guerre en Irak et ailleurs dans le monde, ainsi que le contrôle de toutes les sources de pétrole sur la planète, vont rendre la poursuite de ce comportement de plus en plus difficile.
Éric Laurent commence son intervention en réagissant aux propos de Susan George.
Moins catégorique que cette dernière, il n’emploiera pas le terme de « fasciste » pour qualifier ce régime. Il préfère parler d’administration « atypique » mais, certes, très conservatrice.
Il faut remonter – dit-il – à la défaite de la guerre du Vietnam pour expliquer l’origine de cette ligne politique. À partir de 1973, des hommes ont entrepris la reconquête du pouvoir, en menant le combat des idées et ils ont magistralement réussi. La révolution conservatrice de Reagan s’est directement inspirée des travaux de ces chercheurs. Bush est le résultat – 30 ans après – de cette formidable offensive.
De ces fondations (think-tanks, comme American Institute – Heritage Fondation), sont sortis des idéologues, auteurs d’ouvrages, largement relayés par les médias, qui proposent aux politiques des solutions « clés en main ». Ils proclament haut et fort (cf. plus haut) que : « la pauvreté est la sanction de l’incapacité à s’assumer », mais aussi, « que les différences de QI présentes dans la société américaine sont liées aux différences raciales ». Un auteur prône même un retour à la ségrégation !
Ce groupe d’hommes influents, qui se connaissent depuis l’époque Reagan, entourent le Président actuel ; ils constituent sa « matière intellectuelle » et exercent leur pouvoir idéologique jusque dans la sphère de la politique internationale. La chute de l’URSS est venue conforter leurs théories et l’absence totale de divergences entre eux rend la situation extrêmement dangereuse. C’est ainsi que, lors de la dernière élection, ils ont favorisé la mobilisation de groupes électoraux allant jusqu’à l’extrême droite. Ces hommes ont une grande influence ; leur courant idéologique irradie toutes les instances.
La gauche s’est retranchée dans les milieux universitaires et n’exerce pas aujourd’hui une grande influence sur la vie politique du pays.
par Françoise Le Berre et Bernard Wolfer, membres du Cercle