Dix ans après les accords d’Oslo entre Israéliens et Palestiniens, trois ans après l’échec des négociations de Camp David et de Taba, alors que les affrontements et les attentats se succèdent enfonçant deux peuples dans la douleur, la violence et la tragédie, peut-être une lueur de paix apparaît-elle aujourd’hui.
Certes, faible lueur apparemment, parce qu’elle n’est portée par aucune voix officielle et mandatée,
mais peut-être est-ce là justement la force de ce plan de Genève.
D’une part, il dit tout haut et écrit lisiblement ce que beaucoup pensent tout bas, d’autre part, il
oblige les autorités israélienne et palestinienne, mais aussi les puissances internationales, le fameux
quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations-unies), à dépasser l’échec de la « feuille
de route », lancée en décembre 2002, qui de piétinement en rupture n’a plus de réelle validité.
Le courage – faut-il dire le prophétisme ? – des deux personnalités phare de l’accord, l’ancien
ministre travailliste israélien Yossi Beilin et le ministre de l’Autorité palestinienne Yasser Abed Rabbo,
et de leurs amis, réside dans le volontarisme de la méthode. On ne parviendra à l’établissement d’un
vrai plan de paix, disent les auteurs, que si l’on refuse tout préalable, tout retour conditionnel du calme
et toute fixation d’une nouvelle phase intérimaire à la durée et au contenu, sources de discussions
stériles et de frustrations. Il faut immédiatement s’attaquer aux questions de fond.
Celles-ci sont connues, mais l’accord de Genève les envisage dans une perspective historique et politique, en obligeant les parties à mettre cartes sur table, sans faux fuyants ni marchandages de bas étage.
Affirmation du droit d’existence de deux Etats, israélien et palestinien ; fixation des frontières sur les lignes du 4 juin 1967 ; Jérusalem, capitale pour les deux Etats, avec partage des responsabilités et de souveraineté ; démantèlement des colonies juives et échange de terres pour régler la situation de quelques unes d’entre elles, le long de la « ligne verte » ; renonciation stricte demandée aux Palestiniens de l’application du droit au retour, pourtant conforme au droit international (résolution du Conseil de sécurité de l’ONU) ; options pour les réfugiés palestiniens à l’étranger, dont le retour en Palestine ou – dans des conditions très étroitement limitées – en Israël, le tout sous contrôle international. Telles sont les lignes de force, les principes de cet accord qui s’enracine dans les discussions antérieures et les résolutions 242 et 338 des Nations Unies.
L’appel au volontarisme des auteurs du plan de Genève peut-il être entendu ?
Les premières réactions du gouvernement israélien ne sont pas favorables, c’est l’évidence, mais qu’en serait-il si l’opinion publique évoluait dans une perspective pragmatique et pacifique ? Du côté palestinien aussi, en particulier au sein du Hamas, un tel plan est considéré comme défaitiste.
Et si la communauté internationale prenait à bras le corps le projet ? Et si le Quartet reprenait, d’une autre manière qu’à Charm el Cheikh et Akaba (juin 2003), c’est à dire comme le suggèrent les auteurs de l’accord de Genève, sans préalable, l’initiative de la discussion entre Palestiniens et Israéliens ?
Tout doit être tenté. Même si la fenêtre est étroite. L’opinion internationale a aussi un rôle important à jouer, et nous voyons bien en France, combien ce conflit palestino-israélien traverse de manière dramatique des lieux et des communautés, cristallisant des attitudes et des comportements indignes. Ceci doit nous encourager à monter en première ligne pour être force de persuasion et donner de la voix et du geste pour dire à ceux qui s’affrontent sans perspective qu’il faut s’arrêter et reprendre le dialogue.
Dans ces moments-là on a souvent besoin d’un regard et d’une voix différents : l’accord de Genève mérite d’être entendu et doit être soutenu et encouragé.