par Martin Lees[[. Martin Lees est ancien Secrétaire général adjoint des
Nations Unies et ex Secrétaire général du Club de Rome.]]
Le changement climatique est peut-être le défi global le plus important que l’humanité ait eu à résoudre. Depuis 2015, ce thème a retenu l’atten- tion des medias et les terriens ont bien compris son caractère crucial.
La COP 21, qui a réuni à Paris de 20 à 30.000 personnes et 196 pays (avec des cultures, des histoires et de priorités différentes), a montré l’envergure du problème et a testé nos capacités
à réagir :
– Le changement climatique a des impacts réels aujourd’hui ressentis dans les pays pauvres : (sécheresse, phénomènes climatiques extrêmes),
1. Martin Lees est ancien Secrétaire général adjoint des
Nations Unies et ex Secrétaire général du Club de Rome.
mais aussi dans les pays riches, (incendies en Californie, impossibilité pour certaines per- sonnes d’aller travailler à cause de la chaleur, ouragan Sandy à New York) ;
– Même si l’impact est surtout environnemen- tal, il faudra agir sur les causes profondes du phénomène : valeurs, modes de consommation,
économie ;
– Il est nécessaire d’effectuer des changements drastiques à court terme sinon la nature se ven- gera. On peut aussi redouter des instabilités sociales avec un afflux de réfugiés climatiques d’un niveau sans rapport avec celui qu’il connait actuellement.
Qu’attendre de la COP 21 ?
{{● Les résultats de la COP 21}}
La COP 21 a été une des négociations les plus complexes jamais réalisées par la communau- té internationale car il y avait des interactions entre des enjeux économiques, commerciaux ou sociaux mais la COP 21 abordait aussi de facto des questions morales (justice ou droits hu- mains, responsabilité intergénérationnelle) ou la responsabilité historique des différents pays (les pays actuellement développés ont émis beau- coup de GES pendant près de 2 siècles pour se développer).
En effet, la civilisation occidentale dominante est partie du principe de la domination de l’Homme sur la Nature. Ceci n’a pas posé de problème jusqu’à présent puisque la population humaine a fortement crû. Toutefois, actuellement, l’impact de l’Homme bouleverse les grands équilibres naturels et il faut intégrer que la nature n’est pas un sous-système de l’économie mais que l’acti- vité humaine doit s’adapter aux contraintes de la Nature.
Il s’agissait aussi de faire partager un constat physique (évolution du climat, fonte des calottes polaires ou élévation du niveau des océans) et de prévenir les risques. En effet, ne rien faire ou trop peu pourrait induire des bouleversements (non linéaires) catastrophiques de notre climat qui est un système extrêmement complexe : la différence entre la poursuite « business as usual
» et la maîtrise de notre évolution pourrait être la survie de la civilisation humaine telle que nous la connaissons !
La France a joué un rôle de premier ordre pour rapprocher les points de vue et a montré une vraie capacité de leadership dans la gestion des négociations pour arriver à un accord final entre
195 pays. Pour entrer en vigueur, cet accord devra être ratifié par 55 pays représentant 55% de la population mondiale. Les réponses posi- tives récentes des USA et de la Chine devraient permettre une ratification avant la fin 2016.
Ce succès politique a été permis par :
– Une préparation minutieuse et « décentrali- sée » : chaque gouvernement a fourni des pistes
d’engagement volontaire pour maîtriser ses
émissions de GES (avec des principes et des mé- thodes de mesure).
– Une bonne organisation de la conférence de Paris : la forte communication sur cet événement a généré un intérêt fort de la part des opinions publiques mais aussi des ONG, des entreprises et institutions financières ou des collectivités locales.
– Un accord sur un processus de révision tous les
5 ans si les objectifs s’avéraient trop faibles ou si
les résultats ne se matérialisaient pas.
L’objectif principal de cette réunion n’a pas été de mettre en place un bon show diplomatique mais d’établir un accord fort et cohérent. Le but était d’enclencher un vrai changement glo- bal avec des avancées intéressantes dans des domaines comme la protection des forêts ou le financement des projets dans les pays en voie de développement.
Toutefois, les insuffisances de cet accord ne
doivent pas être masquées :
– Les engagements des gouvernements restent volontaires : aucun mécanisme de contrainte juridique n’est prévu en cas de non-respect.
– Même en tenant compte des éléments positifs, la trajectoire actuelle de +3 à +4°C ne sera pas sensiblement modifiée par rapport à un objectif de 1,5°C (l’Agence Internationale de l’Energie- AIE prévoit un accroissement de la consomma- tion de combustibles fossiles de 40% d’ici à 2035 et la part des énergies renouvelables à cet hori- zon ne sera que de 7%).
– Le volet financier doit être concrétisé.
{{● La nécessité d’aller vite}}
Le temps est de plus en plus compté pour mettre en œuvre des solutions complexes car beaucoup de temps a été perdu.
L’effet de serre a été détecté par Joseph Fourier en 1824, le premier sommet de la terre visant à stimuler le développement durable a eu lieu à Stockholm en 1972 et le GIEC a été créé en 1988.
Malgré cela, les émissions de GES (gaz à effet de serre) ont continué à croitre fortement (+65% depuis 20 ans). Le FMI prévoit que le nombre de véhicules en circulation dans le monde va passer de 800 millions à 1.600 millions d’ici à
2040. En effet, à cette époque, la classe moyenne mondiale comptera 2 milliards de membres sup- plémentaires et la population mondiale pourrait atteindre 10 à 11 milliards d’individus en 2100. Actuellement, nous utilisons 150% de la capacité d’absorption naturelle de la Terre.
Les problèmes ont donc totalement changé d’échelle depuis les années 1980 et requièrent des mesures drastiques et urgentes.
{{● Des solutions insuffisantes}}
Les mesures incrémentales, comme par exemple le changement de comportement personnel (tri des déchets, utilisation moindre de la voiture particulière, …) ne sont pas à la mesure du pro- blème.
De même, il serait totalement illusoire et très risqué de parier sur l’émergence de technologies
miracles capables de résoudre les problèmes dans les 20 ans à venir comme par exemple la séquestration du gaz carbonique.
Le nucléaire n’est pas non plus une solution viable à long terme à cause du risque d’accident et des problèmes posés par les déchets.
{{● Conclusions}}
La période actuelle nécessite une remise en cause totale de notre mode de développement fondé sur une domination totale de l’Homme sur la Nature. Des changements drastiques et rapides de nos modes de vie ou de consomma- tion notamment dans les pays riches sont indis- pensables sinon les conséquences climatiques (ouragans ou sécheresses) mais aussi sociales (réfugiés climatiques) seront terribles.
Le temps presse donc pour mettre en place ces changements et les financements nécessaires à l’évolution des pays en développement.
Synthèse par Michel Cabirol, Président du Comité de liaison
des Cercles Condorcet