L’Europe est en panne, mais, force est de constater que l’analyse de cette panne n’est pas partagée. Le « non » Français ou Hollandais au référendum sur le Traité Constitutionnel est-il imputable à l’absence de projet ; ou au manque d’articulation entre le marché intérieur et l’Europe sociale ; ou à l’arrogance Française ; ou – a contrario – au vide créé par l’absence de proposition française s’agissant d’une vision de l’Europe ?
Pour essayer de sortir de l’impasse, il faut donc poursuivre l’analyse et essayer de déterminer des scénarios possibles.
Les origines de l’affaiblissement du projet Européen
À l’origine, la construction européenne a été pensée sur le mode d’un engrenage vertueux (Méthode Monnet), où l’addition des projets était le ressort même de son édification.
On est ainsi passé dans les années 1950/60 de la recherche de la paix avec la CECA, à la PAC, puis à la « méthode » communautaire. Les années 80 ont vu la naissance du grand marché intérieur et l’apparition de la codécision.
Au cours des années 90, l’Europe a bâti un début d’Union Monétaire avec l’Euro (qui fonctionne bien théoriquement, mais qui pêche par son inachèvement au niveau économique, fiscal et social).
Les années 90/2000 ont vu la décision et la réalisation difficile de l’élargissement puis l’émergence et l’échec de la stratégie de Lisbonne (prévoir en bas de page de rappeler de ce que c’était)
Pour ne pas être allé au bout : par refus de coordination, par manque de projet et de méthode acceptables par tous, les gouvernements Européens et les institutions Européennes sont actuellement dans l’impasse.
Les deux visions de l’Europe
En fait, deux projets et deux conceptions de l’Europe s’affrontent :
– L’Europe d’un grand marché, placé sous le sceau du libéralisme
– Une Europe politique, dotée d’une identité propre
Pour les libéraux, l’Europe actuelle n’est pas décevante.
Pour les autres, le Traité Constitutionnel Européen préfigurant une sorte de « super État Européen » a été vécu sur le mode anxiogène. Les populations fragilisées par la globalisation et l’ultralibéralisme ont rejeté cette perspective. La question de la place de la Nation dans l’entité européenne est une réponse attendue qu’il ne faut pas négliger, sous peine de favoriser l’extrémisme, notamment de droite.
“L’Europe par la preuve”
L’Europe, pour revenir en grâce auprès des citoyens et répondre à leurs inquiétudes doit obtenir des résultats et se doter des bons outils.
Il faut pour cela :
– définir et mettre en place des chantiers structurants, montrant – au niveau mondial – la valeur ajoutée de l’Europe : l’énergie, l’environnement/le développement durable et la recherche. Ces chantiers ont des implications fortes, en termes de politique étrangère par exemple.
– se réapproprier la stratégie de Lisbonne
– re-créer la confiance par des avancées sociales : minima sociaux, directive cadre sur les services publics, harmonisation fiscale et sociale (voulue par les états membres et non via la Cour Européenne de Justice)
Ce “programme” permettrait de rapprocher l’Europe des citoyens et de montrer ainsi sa valeur ajoutée.
La célébration du 50ème anniversaire du traité de Rome et les futures présidences allemande, puis française ne doivent pas être des occasions gâchées.
La séquence Germano-Française
Depuis le début du premier semestre 2007, l’Allemagne détient la présidence de l’UE et fera des propositions en juin 2007 sur une éventuelle Constitution Européenne.
Au second semestre 2008, la présidence de l’UE sera Française. Il s’agira alors de négocier les perspectives financières et le futur budget de l’UE (travail non accompli par la Convention préparatoire au TCE1).
Il s’agit donc de définir de nouvelles ambitions et surtout les moyens adéquats pour les réaliser. Cette négociation portera sur la PAC, le chèque Britannique et les fonds de cohésion. Il s’agira aussi de déterminer quelles ressources propres fournir à l’Europe.
Il sera alors urgent d’éclaircir les choses sur le plan des institutions : le Traité de Nice est insuffisant, les outils actuels de discussion sont inadéquats, mais jusqu’ici, il n’y a pas eu de volonté politique pour mener à bien ce chantier.
Quelles solutions alternatives au TCE actuel ?
– supprimer la partie III ( détail des politiques et traités antérieurs )
– garder la partie II (sur les droits fondamentaux) ce qui ne plaît pas aux Britanniques
– garder une grande partie de la partie I (ce qui pourrait éviter d’avoir de nouveau recours au référendum)
Les questions de fond devraient être repoussées en 2009/2010 (après les prochaines élections Européennes).
Les mesures proposées devront veiller à ce que les citoyens Européens se sentent mieux représentés.
Pour sortir de façon positive de la situation de crise actuelle, il faut, non seulement recréer des liens forts avec l’Allemagne, mais aussi organiser de vrais débats en France et ne pas occulter les questions Européennes lors de la campagne présidentielle.
Conclusion
Les difficultés majeures, pour parvenir à construire une Europe sociale et politique, résident d’une part : dans le choix du cheminement adéquat pour y parvenir et ensuite dans l’établissement du rapport de force politique pertinent pour constituer une majorité favorable à ce projet.
Malheureusement, la Commission ne peut jouer qu’un rôle très marginal sur ce point. La Commission n’est plus qu’un collège aux responsabilités « saucissonnées », où beaucoup de commissaires se perçoivent davantage comme les défenseurs des intérêts de leurs pays respectifs, que comme les garants de l’intérêt général dans leur domaine.
La Commission est paralysée :
– par son orientation libérale
– par la peur du Parlement et des gouvernements
Elle n’est donc plus à même de proposer une ligne novatrice.
Synthèse par Michel Cabirol, co-président du Cercle
1 -Traité Constitutionnel Européen