Avec Pierre Rosanvallon
12 octobre 2022, à l’Institut théologique de Paris, Paris 14
Pierre Rosanvallon est Professeur, honoraire, au Collège de France, où il a occupé la chaire Histoire moderne et contemporaine du politique. Il est historien des sociétés démocratiques qu’il observe également avec des outils de sociologue. Plusieurs de ses ouvrages sur la démocratie et les citoyens font référence. Dans son dernier ouvrage, «Les épreuves de la vie », il analyse, et d’une certaine façon témoigne, comment les individus sont agis par les événements personnels de leurs vies, au point de dicter certains comportements sociaux, peu décrits par les analyses politiques habituelles.
/https://www.seuil.com/ouvrage/les-epreuves-de-la-vie-pierre-rosanvallon/9782021486438
La France connaît une période difficile. La situation économique s’aggrave avec un déficit commercial et des comptes publics dégradés sans avoir suffisamment investi dans l’avenir. L’éducation et la santé, deux fleurons de notre système social, connaissent des problèmes avec une perte de confiance dans leur efficience. Le système de production d’électricité, très performant, qui avait permis à notre pays d’être exportateur et de fournir de l’énergie à prix mesuré aux ménages et aux entreprises, est en difficulté.
La révolte des gilets jaunes (couches moyennes déclassées et déconsidérées) a marqué une coupure nette dans la société qui n’a pas été réduite par les milliards d’Euros accordés, pas plus que le grand débat national n’a apporté des réponses politiques aux questions posées par les manifestants des ronds points.
Cette situation, avec d’autres, a fragmenté la société française en groupes qui se comprennent peu et se respectent encore moins. La montée du Rassemblement National en même temps que les abstentions sont des signes d’une défiance accrue des citoyens envers les pouvoirs auxquels certains dénient légitimité et autorité.
Les élections législatives ont conduit à un blocage institutionnel qui ne sera pas résolu par un Conseil de la Re-fondation auquel personne ne croit. Certains pensent à une architecture institutionnelle différente avec une Sixième République[1]. Cette démarche purement institutionnelle peut-elle aboutir sans un changement complet de comportement du personnel politique et des rapports sociaux en France?
Devant des crises d’ampleurs mondiales, les citoyens peuvent-ils trouver en quelques lieux des réponses politiques à leurs difficultés?
Pierre Rosanvallon estime que derrière les institutions visibles de nos sociétés (état, justice, marché, entreprises, etc.) il existe des « institutions invisibles[2] », la confiance, l’autorité et la légitimité, qui sont nécessaires au fonctionnement démocratique de celles-ci. Sans elles, les citoyens ne peuvent exercer leur pouvoir librement. Elles ne suffisent pas, mais elles sont nécessaires pour que les « épreuves de la vie[3] » soient acceptables et surtout collectivement supportées.
Michel Cabirol et Bernard Wolfer
[1] Ce mot recouvre des architectures variées selon ses différents promoteurs.
[2] Ces termes ont été utilisés par K. Arrow, prix Nobel d’économie en 1972, à propos notamment des entreprises. Il a par ailleurs généralisé le paradoxe de Condorcet sur les choix sociaux…
[3] Titre de son dernier livre paru au Seuil