La Chine après les Jeux Olympiques

La Chine fascine et énerve l’Occident : succès économique, envoi d’un homme dans l’espace, organisation matériellement réussie des Jeux Olympiques mais poussée nationaliste, répression au Tibet, …
Il est donc nécessaire d’évaluer objectivement la situation et l’évolution récente de la Chine et d’en tirer des conséquences dans les rapports des autres pays avec la Chine.

La Situation Actuelle de la Chine
Depuis 30 ans, avec la politique d’ouverture et de développement de Deng Xiao Ping, la Chine a connu une forte croissance (environ 9% par an mais à partir d’une base très basse). Cette croissance a entraîné une pacification de la société : le régime totalitaire de Mao (qui écrasait tout) a laissé la place à un régime autoritaire (qui n’écrase que ceux qui le gênent). L’émergence timide d’une opinion publique, même encadrée ou parfois manipulée, traduit bien cet état de fait.
Les villes se sont développées avec de beaux quartiers et des magasins bien approvisionnés. Les campagnes, malgré leur retard ont connu un certain développement (TV, radio, électroménager, …).
Même si la richesse est mal répartie entre les très pauvres (campagnes, cent millions de travailleurs pauvres migrants) et les très riches (souvent liés au Parti, à l’Armée ou à la Police), la Chine a connu un fort développement.
Les Chinois sont plus optimistes sur l’avenir de la Chine et sont majoritairement fiers d’être Chinois, même si beaucoup seraient prêts à s’exiler pour travailler à l’étranger (l’Occident fascine aussi les Chinois).
Malgré ses contrastes et ses faiblesses la Chine donne donc une image plutôt positive.
L’évolution de la Chine
La Chine peut-elle maintenir cette dynamique positive ou risque-t-elle, notamment en cas de baisse du taux de croissance, de retomber dans les querelles intestines ou dans des dérives nationalistes ?
Elle doit consolider ses succès économiques, ce qui va impliquer :
– une réorientation de la production de l’exportation vers le marché intérieur,
– une amélioration du sort des plus pauvres (viser une « société harmonieuse » plutôt que la croissance débridée) qui passera par des augmentations de salaire, par un embryon de code du travail, par une meilleure répartition des infrastructures et des équipements publics. L’école obligatoire est théoriquement gratuite depuis le 1er septembre 2008. Ceci entraînera un renchérissement du coût du travail (Adidas a déclaré récemment vouloir délocaliser ses usines Chinoises au Vietnam),
– un meilleur contrôle par l’administration centrale des administrations régionales et locales (dont la corruption freine le développement local).
Au-delà de ses succès économiques, la Chine va devoir aussi assumer son statut retrouvé de grande puissance :
– accepter de faire des efforts pour protéger l’environnement (ceci l’aidera à consolider ses succès économiques même si cela coûte à court terme),
– respecter les règles internationales (contrefaçon, OMC, …),
– cesser de soutenir des régimes odieux ou très corrompus (Soudan, Zimbabwe, …) qui lui permettent d’avoir accès à certaines matières premières.

A terme, il serait bon pour le monde que la Chine inventât un modèle original de développement. Ceci semble difficile actuellement car, dans de nombreux domaines, les Chinois se contentent de copier l’Occident (souvent le hightech chinois n’est ni high, ni Chinois) et, malgré leur individualisme, les Chinois pensent souvent « qu’aucun épi de blé ne doit dépasser du champ ».

Les Relations de la Chine avec les autres Pays
La Chine a connu historiquement des périodes d’ouverture mais elle est souvent restée centrée sur elle-même (« L’empire du milieu »). Au XVIIème siècle, elle représentait 31 % du PIB mondial (Daniel Cohen). Elle a vécu les deux derniers siècles de domination occidentale (par exemple avec la guerre de l’Opium) puis de maoïsme comme une parenthèse ou un long sommeil.
Elle veut donc retrouver une position forte et respectée pour ne plus revivre un tel passé humiliant.
Ceci conduit la Chine à une attitude parfois agressive :
– rodomontades, voire insultes vis à vis de certains pays,
– politique colonialiste en Afrique (« Chinafrique »),
– coalition d’une faction d’obligés à l’ONU,
– provocations militaires (destruction d’un satellite chinois par un rayon laser, apparition d’un sous-marin chinois près d’un porte-avion Américain, …),
– manipulation des Chinois à l’étranger (alors que depuis Chou En Laï le mot d’ordre était la prudence et la discrétion).
Souvent cette attitude agressive ne fait que refléter la peur et le manque d’assurance des Chinois qui n’ont pas assimilé tous leurs succès. La quasi-panique qui a saisi les autorités chinoises quand elles ont réalisé que 30 000 journalistes occidentaux allaient débarquer à Pékin pour les J. O. traduit bien ce phénomène.
Un des grands chantiers dans le domaine international concerne les relations sino-américaines.
Actuellement, ces deux géants vivent en symbiose économique (fort déficit américain qui permet à l’appareil industriel chinois de tourner à plein régime et financement des déficits américains par les excédents chinois). Les points de friction entre les deux ne manquent pas (Taiwan, la Corée, provocations militaires des Chinois, les problèmes de propriété intellectuelle et la fermeture de certains marchés chinois, le déficit américain, …).
Globalement, les pays Occidentaux devront parler franchement à la Chine, mais en la respectant.
Conclusions
La Chine a connu de grands succès quantitatifs. Le bilan qualitatif est plus mitigé : la Chine serait comme un marcheur qui doit rejoindre une autre vallée, mais qui n’a pas encore franchi le col. Les risques internes sont encore forts : nécessité de tenir compte des paysans et travailleurs migrants surexploités, autorités locales corrompues qui n’obéissent qu’imparfaitement à l’autorité centrale, risque de bulle immobilière ou boursière, pays hétérogène, …
Cet environnement induit parfois des comportements agressifs ou égoïstes que la Chine devra corriger pour intégrer le groupe des grandes puissances. D’autres part, les Occidentaux devront avoir avec la Chine une attitude cohérente, ferme mais respectueuse.
En effet, l’Occident n’a pas de leçons à donner à une Chine en plein développement qui présente de nombreuses similitudes avec l’Occident du XIXème siècle : pouvoir autoritaire, industrialisation à l’abri de l’armée et de la police, puis une classe dirigeante qui « lâche du lest » pendant la IIIème République (lois « sociales et sociétales », élections locales) pour garder son pouvoir.

Synthèse par Michel Cabirol,
co-président du Cercle

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