Note réalisée par Michel Cabirol à partir d’un exposé de Jean-Marie Muller(*) pour l’Interclubs. Ce document représente un complément intéressant à nos travaux sur les universaux.
Revenir au début
En France, cette notion est absente de notre langage, de notre culture ou du débat contrairement à de nombreux autres pays comme l’Italie par exemple. Il faudrait rechercher les causes de cet attrait pour la violence : Révolution Française et épopée Napoléonienne ? Guerres Mondiales ? rationalisme ? …
En effet, la non-violence est souvent récusée ou caricaturée en pur pacifisme. Elle est donc considérée comme non réaliste.
Pourtant, elle a été utilisée avec succès malgré quelques échecs dans de nombreux cas : Gandhi, Martin Luther King, Solidarnosc en Pologne, Rugova au Kosovo, …
Pour comprendre ce qu’est une non-violence pertinente et mûre, il faut l’analyser sur le plan philosophique (recherche de sens et de sagesse, éthique/morale et spiritualité) puis sur le plan de la stratégie et de sa mise en œuvre concrète.
Le point de vue philosophique
Le philosophe a peur de la violence qu’il exerce car elle détruit l’humanité en lui.
” L’autre de la vérité, affirme le philosophe Eric Weil, n’est pas l’erreur mais la violence”
La violence détruit la relation à l’autre : il s’agit donc de lui ôter toute légitimité. Non-violence est la traduction du mot sanscrit ahimsa composé du préfixe privatif a et du substantif himsa qui signifie le désir de violence que tout homme a en lui.
C’est alors que des contresens peuvent apparaître :
– la non-violence ne s’oppose pas au conflit ou aux rapports de force qui font partie de la vie
– de même l’agressivité doit être exprimée et non refoulée
– la non-violence peut être liée à une transformation personnelle, mais cette démarche ne doit pas entraîner un retrait (éventuellement narcissique) de la société. Il s’agit moins de faire la paix avec soi-même qu’avec les autres.
Le refus de définir ce que serait une « bonne violence » ouvre la chemin à une valeur universelle permettant de vivre ensemble. Il s’agit d’une rupture forte avec d’autres traditions philosophiques admettant la violence nécessaire, légitime et/ou honorable.
Stratégie et action
Il ne s’agit pas de partir d’un idéal d’une société non-violente et de le plaquer sur le réel. Il faut partir du réel violent, l’analyser pour le comprendre sans nier la violence. La non- violence est alors la résistance et le refus de la fatalité.
Dans des cas extrêmes, la violence peut s’avérer nécessaire. “Si le choix n’était qu’entre la violence et la lâcheté, je conseillerais la violence ” (Gandhi). Mais la violence ne doit être que le dernier recours et elle reste illégitime. Nécessité ne vaut pas légitimité.
Des discussions fructueuses ont eu lieu avec certains militaires qui utilisent la force contre la violence, éventuellement pour défendre la civilisation. Ils reconnaissent la contradiction entre ces méthodes et l’impératif de respect de la personne humaine, surtout de sa vie.
La lutte contre le nazisme est un bon cas d’école. Bien sûr, entre 1940 et 1945, l’usage de la force était pertinent face à Hitler. La vraie défaite de la civilisation a eu lieu en 1932/35 quand l’Allemagne, nation avancée et civilisée, s’est laissée séduire par Hitler et ses discours odieux. On peut même rechercher la part de responsabilité des architectes du Traité de Versailles ou de certains hommes politiques Français dans les années 20.
De même une analyse fine des évènements du Kosovo montre les carences de l’action de la “Communauté Internationale” qui n’apporta aucun soutien à la résistance non-violente animée par Rugova.
Mise en œuvre concrète
Des demandes concrètes croissantes de formation de médiateurs ou de missions civiles de paix apparaissent :
– en Afrique, par exemple, une bonne gestion, surtout par la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest, de la crise Ivoirienne à ses débuts aurait permis d’éviter bien des malheurs et l’enlisement de la France
– à l’école et dans certaines banlieues
– potentiellement en Israël et en Palestine
On pourrait donc établir un programme visant à :
– affiner la méthodologie et les cours de formation
– réfléchir sur des interventions possibles dans les conflits actuels mais surtout dans les conflits latents ou potentiels (en France ou à l’étranger)
– obtenir des financements adéquats pour former quelques milliers d’intervenants volontaires et mettre en place les structures nécessaires
– voire à promouvoir une coopération renforcée de l’UE dans ce domaine qui serait un pendant peu onéreux et efficace de l’Europe de la Défense (et qui permettrait de limiter la légitimité de la violence liée au droit d’ingérence)
Ceci aiderait à réaliser le rêve de Gandhi “de réconcilier la politique et l’éthique par la non-violence”.
(*) Jean-Marie Muller est le porte parole national du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN, 114 rue de Vaugirard, 75 600 – Paris)