{{• Le contexte global }}
La transition écologique est sans doute le défi collectif le plus important et le plus complexe que l’humanité ait jamais eu à résoudre (l’autre défi récent, celui de la maîtrise de l’armement nucléaire, était plus simple à de nombreux égards).
L’Allemagne et l’Europe sont ébranlées politiquement par la venue de quelques millions de réfugiés extra-européens : que se passera-t-il si l’Europe, suite aux effets négatifs du dérèglement climatique, devait accueillir 50 voire 150 ou 200 millions de réfugiés en provenance d’Afrique ou d’Asie?
La transition énergétique constitue le point central de la transition écologique. Si on veut éviter la facilité des effets de tribune ou des vœux pieux, il faut dresser un constat lucide de la situation actuelle puis réfléchir aux aménagements nécessaires à apporter à notre mode de vie ainsi qu’aux mesures politiques et financières à mettre en œuvre pour modérer les effets néfastes de l’évolution du climat.
{{ L’énergie dans le Monde }}
Le constat est clair :
– Même si la production d’énergie croît moins vite que l’économie mondiale (2,9% par an entre 1973 et 2014), elle a continué à croître de 1,9% par an sur cette période. -Malgré les efforts et les investissements notamment dans les énergies renouvelables, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) représentaient en 2014 encore 81% de la production mondiale d’énergie et elles sont encore en croissance.
– Cette situation s’explique par la bonne adéquation des qualités de chaque énergie avec un type d’usage. Par exemple, le pétrole est bien adapté aux besoins du transport. – La consommation entre 1973 et 2014 a crû de 1,7% par an soit moins que la production ce qui traduit une inefficacité croissante du système : en 2014, l’énergie produite et non consommée représentait 32% de la production d’énergie (essentiellement en relation avec la production d’électricité).
– Les besoins des consommateurs varient fortement dans la journée et dans l’année d’où un sujet majeur lié au stockage de l’électricité et à l’intermittence de la production de la plupart des énergies renouvelables.
– Enfin, l’indépendance énergétique est très difficile à mettre en œuvre sauf pour quelques pays richement dotés comme les USA et la Russie (ou la Chine à un degré moindre).
Les considérations géopolitiques sont donc très présentes dans ce secteur. Toutes les solutions pour améliorer le système (production éventuellement décentralisée d’énergie renouvelable, stockage, …) doivent être creusées mais aucune solution n’est viable sans une évolution de la consommation.
La consommation mondiale d’énergie a crû de 1,7% par an entre 1973 et 1984 avec un maintien du recours aux combustibles fossiles. Il sera difficile de diminuer la consommation mondiale car 1,2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’électricité et 2,4 milliards de personnes n’ont que de la biomasse (notamment du bois) pour faire cuire leurs aliments. Le rattrapage nécessaire du niveau de vie des pays émergents des pays les moins avancés plus la croissance de la population impliquent une croissance de la consommation mondiale d’au moins 10% voire 30% d’ici à 2050. Ces chiffres impliquent une modération significative de la consommation des pays les plus riches. Cette maîtrise passe par la mise en œuvre de plans spécifiques d’économies d’énergie par utilisation.
{{• La situation de la France }}
La France présente un profil énergétique particulier (avec quasiment 50% de son énergie consommée sous forme d’électricité et quasiment 50% sous forme de combustibles fossiles) qui en fait un bon élève quant au rejet de gaz à effets de serre. L’usage de l’électricité y est plus répandu qu’ailleurs et cette électricité est surtout d’origine nucléaire.
Ceci place donc la France face à une alternative stratégique particulière en ce qui concerne les énergies renouvelables :
– Soit les énergies renouvelables servent à remplacer l’électricité d’origine nucléaire et la France continue à consommer des combustibles fossiles notamment pour le transport
– Soit les énergies renouvelables servent à substituer les combustibles fossiles (via notamment l’utilisation de modes de transports fonctionnant à l’électricité) et il faut maintenir en service le parc nucléaire.
C’est ce dilemme qui a conduit récemment Nicolas Hulot à repousser la baisse à 50% de la part du nucléaire dans la production électrique de 2025 à une date ultérieure (2035 voire après).
Les problèmes liés au changement climatique et à l’inefficacité du système représentent aussi des opportunités pour la France (production locale d’énergie, énergies renouvelables, filières industrielles, démantèlement des centrales nucléaires, …) qui pourraient créer des centaines de milliers d’emplois non délocalisables. Il faudra toutefois gérer la décroissance massive de l’emploi dans l’industrie automobile thermique qui sera substituée par des transports en commun et des voitures électriques.
Les meilleurs plans d’économie d’énergie ne seront pas à la hauteur des enjeux si les citoyens des pays riches ne modifient pas significativement leur comportement :
– Bien sûr, au niveau de la consommation, utilisation de transports en commun et baisse de la consommation de viande ;
– Mais aussi dans l’acceptation de l’implantation d’éoliennes ou de barrages près de chez soi ou bien dans la mise en place d’une fiscalité plus écologique.
{{• Quelques conclusions }}
L’énergie est un domaine complexe où les décisions n’ont un impact sensible qu’à long terme. Il n’existe pas de solution simple à court terme.
La transition énergétique nécessitera une volonté politique (investissements, fiscalité, …), l’aboutissement de projet de R&D importants et des changements de comportement.
La transition énergétique ne peut être traitée qu’au niveau mondial et elle impliquera des transferts financiers massifs du Nord vers le Sud pour aider les pays émergents qui sont les plus peuplés.
par Michel Cabirol