Une vieille histoire de représentation politique

• D’où sort le vote Macron ?

animé par Hervé Le Bras [[Hervé le Bras est démographe, chercheur émérite à l’Institut national d’études démographiques (INED) et historien enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Diplômé de l’École Polytechnique et titulaire d’un DEA de mathématiques économiques il fut également statisticien en neurolinguistique à l’INSERM de 1967 à 1970.]]

Le 14 juin 2017 Hervé Le Bras a présenté au Cercle Condorcet de Paris une analyse des résultats de l’élection présidentielle qu’il a intitulée « Territoires de l’élection présidentielle. D’où sort le vote Macron? ».

Ce titre exprime clairement la méthode adoptée par le démographe qui a conduit de longue date à une recherche sur la géographie politique de la France révélée au grand public par la publication avec Emmanuel Todd en 2012 de « L’invention de la France. Atlas anthropologique et politique »

L’éclairage sur le vote Macron proposé le 14 juin relève de la même méthodologie que cet ouvrage élaboré à partir d’une cartographie très fine des comportements politiques puisqu’elle est établie au niveau des cantons. Il s’est aussi appuyé pour cette intervention sur la confrontation aux résultats des élections présidentielles antérieures: Mitterrand et Sarkozy, dans le même espace géographique.

Pourquoi cette importance donnée dans l’analyse des comportements politiques à la base territoriale dans son expression la plus restreinte pour une élection nationale: le canton?

Elle repose chez Hervé le Bras sur une hypothèse centrale de sa recherche énoncée en quatrième de couverture de son ouvrage : «la nation française n’est pas un peuple mais cent et ils ont décidé de vivre ensemble». On peut admettre avec Hervé Le Bras le caractère volontaire de ce processus si l’on se souvient de la Fête de la Fédération, grand moment de la Révolution de 1789. Ce qui lui permet d’écrire « Chacun des pays de France a sa façon de naître, de vivre, et de mourir ». « Il ne saurait y avoir retour à une homogénéité perdue parce que l’homogénéité n’a jamais existé». En quoi évidemment ces travaux de géographie électorale contredisent la thèse de l’identité nationale.

La question posée par l’analyse du vote Macron d’avril 2017 était donc de savoir si cette élection avait modifié cette permanence des comportements politiques.

L’analyse proposée le 14 juin par Hervé Le Bras confrontée aux résultats des élections présidentielles précédentes :
Mitterrand / Sarkozy, Hollande / Sarkozy confirme la permanence des comportements quoiqu’ils ne concernent plus les mêmes entités politiques.

L’affrontement est ici entre deux candidats qui ne sont pas portés par les partis de gouvernement traditionnels mais l’opposition à la candidature de Marine Le Pen incarnée par Emmanuel Macron ne remet pas en cause leurs choix essentiels au premier rang desquels l’appartenance à l’Union Européenne et l’euro, mais leur mode de gestion. Il faut souligner que si conformément aux hypothèses de départ l’analyse s’intéresse à la pratique catholique mesurée en nombre de «messalisants» elle prend autant en compte les revenus individuels médians (valeur du milieu de la distribution des revenus) et le prix du m² du logement en 2014 dans les territoires étudiés .

Le vote Macron a été également confronté au vote Fillon. L’ensemble des résultats par canton présentés sous forme de diapositives par Hervé Le Bras est visible sur le site du Cercle Condorcet avec ses commentaires appuyés par la cartographie. On reprendra ici les conclusions de ses analyses par grandes zones de territoires.

Au premier tour de l’élection présidentielle le vote Macron exprimé en pourcentage du total vote Macron + vote Le Pen représente plus de 70% des votes exprimés à Paris et en Bretagne. Il est largement majoritaire à l’Est du Massif Central et dans le Sud-Ouest. Ce choix est maintenu au second tour. Ces votes confirment la stabilité des comportements entre les différentes élections en ce sens qu’il s’agit d’un candidat s’inscrivant dans la continuité des grandes options politiques notamment européennes.

On peut noter des différences par canton dont les variations ont une incidence sur la représentation parlementaire mais les grandes zones restent constantes : Paris apparaît ainsi entouré d’une ceinture de Le Pen dans les communes de l’Île de France se substituant à l’ancienne ceinture rouge coïncidant avec la densité de la présence d’immigrés mais elle exprime aussi selon Hervé Le Bras la synthèse de quatre situations difficiles et souvent cumulées : jeunes sans diplôme, chômage, pauvreté, familles monoparentales.

Ces mêmes situations se retrouvent dans les territoires où le vote Le Pen est majoritaire, dans les anciens cantons industriels du Nord-Pas de Calais et de l’Est en particulier comme dans ce les Bouches du Rhône.

Le vote Macron ne révèle donc pas une mutation radicale des choix politiques bien qu’il s’inscrive en dehors des partis jusqu’ici prépondérants dans la vie politique française mais il traduit à la faveur d’un renouvellement important du personnel politique la constance d’une préférence majoritaire pour des forces politiques de gouvernement.

Ces conclusions vérifient, sans qu’il l’ait particulièrement souligné dans son intervention, la thèse d’Hervé Le Bras et Emmanuel Todd : la permanence des orientations politiques dans les territoires de la République traduit en termes actuels la présence de représentations mentales héritées de l’histoire longue.

Synthèse par Françoise Renversez, membre du Cercle

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