Les politiques non-conventionnelles des grandes Banques Centrales

Face à la permanence de la crise les grandes banques centrales : FED, BCE, Banque d’Angleterre, Banque du Japon, ont changé de paradigme d’action. A l’évidence leurs outils traditionnels, au premier rang desquels les taux d’intérêt se sont révélés insuffisants-sinon inopérants.

Elles ont donc été conduites à promouvoir de nouvelles procédures d’intervention ,voire une nouvelle méthode d’action sur les comportements financiers : le guidage des anticipations (forward guidance) c’est à dire l’annonce préalable de l’évolution de leur politique évitant ainsi la surréaction des marchés aux évolutions de leurs décisions et favorisant leur adaptation progressive.

Les grandes banques centrales parviennent ainsi à maîtriser l’évolution des taux d’intérêt à long terme dont l’impact est décisif sur le financement de la dette des Etats et celui du secteur productif Jusqu’à présent , les banques centrales ont réussi par des actions non conventionnelles à déjouer les pronostics défavorables sur le sort des économies dont elles gèrent la monnaie mais elles ne peuvent pas tout.

Si elles sont à l’origine , dès avant la crise, avec les résolutions de Bâle I,II,III,de l’évolution du cadre législatif s’imposant aux banques ,la crise a mis en évidence la facilité pour les banques dans une économie mondialisée d’échapper aux contraintes réglementaires .

Des réformes importantes du cadre d’activité des banques sont en cours: la loi Volker aux Etats-Unis

l’Union bancaire dans la zone €. Si les banques centrales sont au premier rang dans l’élaboration de ces instruments législatifs,il est du pouvoir des gouvernements de les faire passer dans la loi et d’en imposer l’application pour éviter le risque systémique.

Cette action conjuguée, non encore aboutie ,mérite un examen spécifique qui ne sera pas ici notre propos ,on se limitera aux mesures non conventionnelles adoptées par les grandes banques centrales qui leur ont permis sinon d’écarter totalement le risque systémique à tout le moins de le contenir.

La finance étant mondialisée une étude exhaustive devrait analyser le comportement des banques centrales émergentes comme celle de la Chine ou liée à une sphère d’influence comme celle de la Russie. Cette analyse devra être produite mais dans le cadre de cette communication on se limitera pour une première approche à la Banque Fédérale des Etats-Unis -FED-,à la Banque centrale de la zone €-BCE- et pour leur singularité à la Banque d’Angleterre et à la Banque du Japon.
L’intervention des banques centrales a été décisive lors de la crise de 2008.

Il était possible de recenser les procédures et les instruments communs à ces banques centrales et d’en traiter abstraitement.Mais on verra que l’efficacité des interventions est liée aux caractéristiques de l’environnement économique dans lequel elles interviennent malgré la mondialisation de la finance ,les spécificités souvent historiques des systèmes financiers demeurent, souvent accentuées par les données institutionnelles.
L’adéquation des mesures prises par les banques centrales à leur environnement économique explique leur éventuel succès.

On examinera donc successivement dans leur spécificité les techniques et procédures non conventionnelles de la FED,de la BCE ,de la Banque d’Angleterre et de la Banque du Japon
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{{I Techniques et procédures non conventionnelles de la FED
}}

Il appartient à la fonction traditionnelle des banques centrales et donc de la FED de remplir la fonction de prêteur en dernier ressort pour les établissements en difficulté.Mais cette pratique a été conçue comme un sauvetage individuel où sont soigneusement distinguées les banques en difficulté de liquidité et les banques insolvables.

A la fin 2008 la FED s’est délibérément placée hors de cette position traditionnelle en fournissant de la liquidité à l’ensemble du système bancaire et a renouvelé cette opération en conduisant un processus dit d’aisance monétaire»(quantitative easing) à trois reprises symbolisées par Q1,Q2,Q3.
La FED a de plus fourni internationalement de la liquidité en étendant les lignes de swaps de devises avec les autres grandes banques centrales.

La FED était confrontée fin 2008 à une contraction du PIB des Etats-Unis de près de 9%.L’action traditionnelle de stimulation par la baisse des taux d’intérêt n’était plus possible puisque le taux des fonds fédéraux (FED funds) évoluait entre 0,00 et 0,25%.Seul l’assouplissement quantitatif restait possible.Dans cette perspective la FED a conduit un programme très large de rachat d’actifs dont la conséquence traditionnellement attendue est une baisse des taux d’intérêt à long terme sur l’ensemble du marché:opération « Large Scale Assets Purchase »,Achat d’actifs à grande échelle.

Il s’agit d’alimenter la liquidité des banques en acceptant les titres qu’elles présentent à la Banque Centrale au premier rang desquels les titres publics suivis par les titres représentatifs du crédit hypothécaire. On se souvient que le Trésor Fédéral a renfloué en 2008 Fannie Mae et Freddy Mac, les agences gérant le crédit hypothécaire ,le Plan Paulson s’engageant à hauteur de 700 milliards de de $, dont finalement moins de 500 seront versés pour éviter l’effondrement total du système financier des Etats-Unis.

Dans la durée la liste des titres admis comme support du refinancement va s’élargir.

En fait les analyses postérieures ont montré que la baisse des taux longs avait été limitée de 0,25% à 0,50% et que d’autres canaux de transmission étaient intervenus.Les taux étant au niveau plancher la recherche d’autres instruments a conduit à privilégier «le guidage des anticipations»(forward guidance) réalisé au travers de l’annonce préalable de l’orientation de la politique quantitative et des variations des taux des fonds fédéraux. En fait l’annonce répétée est celle de taux exceptionnellement bas jusqu’à la mi 2015 de 0,00 à 0,25 % .Les annonces successives ont été appliquées sans y déroger et la banque centrale et son président ont ainsi conservé leur crédibilité.

Les déterminants des taux ne sont pas pour la FED uniquement monétaires de manière générale et actuellement pas essentiellement monétaires.Le déterminant le plus important est actuellement le taux de chômage ce qui est conforme à la mission de défense du plein-emploi assignée à la Banque Fédérale par son statut.En juin 2013, Ben Bernanke le président de la FED a déclaré au Comité de Politique Monétaire que «l’emploi est le principal indicateur de l’efficacité de la politique monétaire.L’inflation n’est plus le danger majeur.»

L’importance du plein emploi dans les objectifs de la FED se traduit techniquement dans celle donnée dans les travaux préparatoires à l’«output gap» ,écart entre la production potentielle que permettraient de réaliser les facteurs de production disponibles .Janet YELLEN qui avant de présider la FED en était vice-présidente donne à l’output gap une importance particulière et lui a consacré une intervention «Perspectives sur la politique monétaire»(Perspectives on Monetary Policy [[http://etudes-economiques.credit-agricole.com n°13/34]] ) le 6 juin 2012.

Dans la formule qu’elle propose elle donne à l’output gap ,à l’écart de production entre production effective et production potentielle ,une valeur 2 fois supérieure à celle des formulations habituelles de la règle de Taylor, règle utilisée par les banques centrales qui lie le taux anticipé d’inflation au taux observé et à l’output gap. 2

La politique de la FED est aussi,il faut le souligner non conventionnelle dans son rapport à la dette fédérale.En effet les achats de bons du Trésor américain au rythme de 85 milliards de $ par mois passé à 75 en janvier 2014 et qui devrait se réduire à 65 prochainement constituent une monétisation de la dette fédérale comme l’ont montré O. Blanchard &[[O.Blanchard,G,Dell’Arricia,P.Mauro Rethinking Macro Policy II:Getting Granular Note discussion FMI Avril 2013]] & et alii en 2013. Il faut cependant remarquer que la FED reverse au Trésor Fédéral les intérêts importants perçus sur son portefeuille de bons du Trésor.

Et, surtout la FED a été affrontée à une situation jusqu’alors inconnue depuis l’après -guerre le risque déflationniste (Ben Bernanke 25 mars 2013).on comprend dès lors que l’objectif de plein emploi l’emporte sans conteste sur celui de la maîtrise de l’inflation et le choix de Janet Yellen de donner à l’output gap une valeur 2 fois supérieure à celle des spécifications antérieures, le péril n’est pas l’inflation ou l’hyper inflation redoutée par certains en raison de« l’aisance monétaire» c’est la déflation.

La succession des mesures d’aisance monétaire Q1,Q2,Q3,a eu pour conséquence une augmentation continue du bilan de la Banque Centrale américaine.Il dépassait 3700 Milliards de $ au dernier trimestre 2013 représentant 19% du PIB DE Etats-Unis .On observera que celui de BCE représente 32% du PIB de la zone €.Cette observation doit être analysée en prenant en compte la différence des systèmes financiers en cause:le financement de la zone € est essentiellement bancaire alors que le financement aux Etats-Unis est essentiellement de marché.
Dans le bilan de la FED, à grands traits, les bons du Trésor représentent les 2/3 des actifs et les créances hypothécaires (MBS-Mortgage Backed Securities)le 1/3.Bons du Trésor et créances hypothécaires sont passés de 1000 Milliard de $ en 2008 dans le bilan de la Banque Centrale à près de 4000 à la fin du Q3 en 2012.

Au passif,les réserves des établissements de crédit constituent les 2/3,le 1/3 restant étant les billets en circulation .Ces montants s’expliquent par la mise en place de réserves obligatoires représentant 10% des dépôts,auxquelles s’ajoutent des réserves excédentaires rémunérées.En cette période d’absence de confiance la liquidité du système bancaire s’est portée vers les comptes de réserve de la FED .Certains analystes ont vu dans la croissance du bilan de la FED le risque de bulles financières et le risque d’une monétarisation excessive de l’économie.La décroissance organisée à la fin 2013 et continuée en janvier 2014 des achats de bons du Trésor témoigne de la vigilance de la FED sur ce point.

Il n’est pas aisé d’organiser la régression du volume de ce bilan avec un retour des liquidités des banques vers le marché monétaire.La FED fonde quelques espoirs d’opérer ce transfert en utilisant une technique bien connue des anciens opérateurs français sur le marché monétaire « le reverse repo» ,la prise en pension,elle consiste en un prêt garanti par des titres déposés (livrés en langage bancaire) dit «repo»(sale and repurchase agreement),on dit en France:achat avec promesse de revente.L’emprunteur effectue une mise en pension «reverse repo».auprès des la Banque Fédérale ces opérations se font à taux fixe avec des intervenants présélectionnés,et pour des montants élevés.Un essai a été effectué en septembre 2013 portant sur 143 Milliards de $ au taux de 0,01%.

On retrouve parmi les intervenants sélectionnés Freddy Mac et Fannie Mae.

Le placement en «reverse repo» ne modifie pas la taille du bilan de la FED ,mais il réorganise la structure du passif faisant passer d’un dépôt monétaire des banques à un placement en titres .L’incidence recherchée ne concerne donc pas la taille du bilan de la Banque Centrale mais l’activation du marché monétaire.Si les volumes souscrits étaient significatifs ces prises en pension seraient aussi un outil d’intervention sur les taux d’intérêt notamment en constituant un plancher pour le marché monétaire.

Cette régulation devrait s’inscrire dans un contexte réglementaire limitant les activités spéculatives des banques par l’entrée en vigueur de la règle Volker (du nom de Paul Volker ancien président de la FED).Elle devrait intervenir en en juillet 2014 mais un décalage à 2015 est envisagé car elle fait l’objet d’une vive opposition de la part des lobbys bancaires. 3

Son objet principal est d’interdire aux banques de spéculer avec leurs fonds propres .Elle limite aussi leur participation à des fonds spéculatifs (hedge funds ou private equity).Il s’agit d’éviter le financement d’actifs risqués par des dépôts garantis par l’Etat Fédéral.La difficulté va se situer au niveau de l’interprétation et de la distinction entre opérations de spéculation et opérations de couverture de risque.Il y aura une obligation d’audit annuel.Il faut savoir que la spéculation pour compte propre représente jusqu’à 10% du produit net bancaire des grandes banques d’affaires américaines. Si la règle Volker s’est imposée c’est après l’affaire de « la baleine de Londres »au printemps 2012,la banque J.P.Morgan a perdu 6 Milliards de $ à la suite de positions spéculatives prises par ses traders .Les banques vont cependant disposer d’un délai d’application qui pourrait être étendu jusqu’à fin 2014.

Si l’on souhaite récapituler les instruments et procédures employés jusqu’à présent et depuis 2008 par la FED

-Les taux d’intérêt qu’elle gère étant pratiquement gelés à 0,00% ou 0,25% il ne lui reste que l’action quantitative,avec pour instruments

~l’achat massif de bons du Trésor (FED Funds),à un rythme de 85 Milliards de $/mois jusqu’à décembre 2013 puis 75 puis 65.

~ l’achat de titres hypothécaires ,les MBS

~un niveau élevé de réserves obligatoires 10% des dépôts

~prise en pension des titres fédéraux et des titres hypothécaires

~pratique constante de la politique de guidage des anticipations ,instrument majeur par l’annonce
préalable de mesures effectivement mises en œuvre.

{{ II TECHNIQUES ET PROCEDURES NON CONVENTIONNELLES DE LA BCE}}

La Banque Centrale Européenne s’est aussi engagée dans des actions non-conventionnelles mais elle y a procédé dans un environnement marqué par la prépondérance du financement bancaire.
Son soutien à la liquidité bancaire a été plus immédiat que la réaction de la FED .La rapidité de cette réaction s’explique par la caractéristique la distinguant de la Banque Centrale américaine la prééminence du financement bancaire y compris dans l’économie la plus compétitive:en Allemagne les prêts bancaires constituent 70% du financement du secteur privé pour seulement 20% aux Etats-Unis .On est face à des systèmes où le rôle des banques dans le financement de l’activité est fondamentalement différent malgré l’engagement des banques européennes sur les marchés financiers mondialisés.

Si le bilan de la BCE a augmenté dans les mêmes proportions que celui de la FED depuis la crise c’est en réponse à la demande de liquidité des banques qui sont les acteurs les plus importants du marché dans un système financier très intermédié.

La BCE a donc adopté des procédures différentes de soutien de la liquidité d’autant qu’elle est soumise à des contraintes institutionnelles fortes dont la plus importante à laquelle échappe la FED est l’interdiction de financer les déficits publics (articles 123 et 125 du Traité européen).
La difficulté est accrue par l’hétérogénéité des économies constitutives de la zone €,dominée par la dimension de deux Etats l’Allemagne et la France.

Ce sont donc des processus de soutien aux banques qui ont constitué l’essentiel des mesures prises par la BCE face à la crise avec une efficacité certaine puisque l’€ dont la disparition a été annoncée quasi-annuellement se maintient comme l’Union Economique et Monétaire.

Dès la fin de 2008 ont été mise en place dans l’urgence des procédures d’appel d’offre illimité à taux fixe assurant la liquidité bancaire et représentent une forme adaptée parce que généralisée à l’ensemble des banques du Prêt en Dernier Ressort .Ces pratiques seront prolongées jusqu’à la mi-2014.

Ces mesures initiales ont été complétées par des opérations de refinancement à long terme LTRO
(6 mois puis 12 mois et depuis 2011 à 3 ans) et l’acceptation élargie de collatéraux aux prêts
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bancaires.I est vrai que le taux de base dit « refi »à 0,25%fait anticiper un niveau très faible des taux d’intérêt dans la durée avec un taux de dépôt à 0,00% pour les liquidités placées par les banques à 24 heures à la BCE. D’autant que le risque d’inflation longtemps prioritaire dans les préoccupations de la BCE n’est plus d’actualité.

Un article récent de l’Oxford Review of Economic Policy[[P.Cour-Thimann,B.Winkler « The ECB non-standard monetary policy mesures: the role of institutionnal factors and
financial structure » Oxford Review of Economic Policy 2013]] montre que la BCE agit comme un intermédiaire financier en dernier ressort plutôt que comme une Banque Centrale Prêteur en Dernier Ressort qui exercerait de par sa fonction une action discriminante.

Les opérations de refinancement à 3 ans (LTRO) ont évité un désendettement sectoriel important et son incidence sur les bilans privés .En d’autres termes la BCE finance les banques pour assurer le financement de l’économie .Encore faut-il être assuré de la qualité des bilans bancaires.
Ceci étant, il n’y a pas eu de politique de relance de l’activité alors que dans certaines économies européennes -et en particulier en France-le chômage atteint un niveau qui susciterait l’intervention de la FED .Le taux de chômage dans la zone € était de 12,1% en octobre 2013.

La BCE a annoncé en 2013 privilégier la transmission de ses conditions de financements aux PME , mais des mesures d’application concrètes n’ont pas encore été prises.La technique envisagée serait l’utilisation des titres adossés à des actifs constitués par des prêts aux PME (Technique des asset-backed-securities ABS) .
Au delà de ces techniques financières, la BCE par la voix de son président, Mario Draghi, fait du
« guidage des anticipations » son principal instrument. Il s’agit d’indiquer à court et moyen terme quelle sera la politique de la Banque pour que les agents économiques puissent fonder leurs choix financiers sur ces annonces qui doivent donc impérativement être respectées .Elles l’ont été jusqu’à présent fondant la crédibilité de la Banque Centrale.Mario Draghi a annoncé « un réglage monétaire accommodant aussi longtemps que nécessaire ».Si il faut définir pour le réglage des anticipations une procédure c’est donc celle de la conformité des décisions aux annonces en matière de taux et d’accès à la liquidité.

Mais si l’objectif majeur que le Traité fixe à la BCE est la stabilité des prix ,celle-ci est en la matière confrontée à une nouvelle donne .Pour la zone,l’inflation anticipée en juillet 2013 comme en Janvier 2014 est de 1,3% pour 2015 pour un taux de croissance du PIB de 1,5% alors qu’à moyen terme la BCE a jusqu’ici travaillé sur des hypothèses de taux de 2% à ne pas dépasser.

Ses économistes estiment que le niveau d’inflation actuellement très bas pourrait avoir deux origines : le taux de change de l’€ et le cours du pétrole.Mais ils écartent le risque de déflation.L’évolution envisagée se ferait avec pour instrument l’élargissement des titres admis en garantie des facilités de liquidité pour les banques, notamment en faveur des PME.

Mais l’évolution pourrait aussi concerner la capacité des banques centrales nationales de la zone mieux à même de juger de la qualité des titres apportés en garantie.

Ceci étant,le risque systémique n’est pas écarté comme en témoigne la mise en place d’institutions de contrôle et de surveillance des bilans des banques. Le 18 décembre 2013, un accord a été conclu sur le mécanisme dit de « résolution » dont l’objet est d’organiser la faillite éventuelle de banques de la zone € .

L’accord devrait entrer en vigueur en 2015 et s’appliquerait aux 130 banques les plus importantes.
La déclaration de faillite incombera aux Conseil des Ministres des finances de la Zone et non plus à la Commission.La décision aura donc une dimension plus politique.Le Fond de Résolution fonctionnera d’abord au niveau national pour aboutir en 2025 à un fond commun à l’ensemble de la zone €.

C’est aussi la crainte du risque systémique qui est à l’origine de l’Union Bancaire décidée en Juin 2012 qui implique une supervision unifiée des banques confiée à la BCE à la fin 2014 et suppose un contrôle de la qualité des actifs qui se limitera aux 130 plus grande banques représentant 85% des actifs de la Zone.Cette question de taille permet aux Caisses d’épargne allemandes essentielles aux financement des PME d’échapper au contrôle.
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La mise en place de ce contrôle et les décisions réglementaires qu’il implique ont suscité la création d’une multiplicité d’organismes qui ne concernent pas directement l’analyse des procédures et
instruments non conventionnels des banques centrales mais l’action traditionnelle de supervision et de réglementation des banques de second rang.

Pour récapituler brièvement les instruments non conventionnels utilisés depuis la crise par la BCE il apparaît que privée de l’instrument des taux d’intérêt, et n’étant pas autorisée à financer directement les Etats membres, la BCE a choisi d’alimenter la liquidité bancaire par des procédures simples étendues au moyen terme, tout d’abord l’appel d’offre illimité à taux fixe ,puis le refinancement à long terme entendu comme 6 mois,12 mois puis 3 ans avec un élargissement progressif des collatéraux admis au refinancement.

Plus encore que la FED ,la BCE s’en remet au «guidage des anticipations» par la voix de son efficace président pour orienter les comportements économiques. Mais tant que l’incertitude demeurera sur la qualité de certains actifs bancaires dans un système financier où le financement du secteur productif est majoritairement bancaire la reprise concrétisée par la diminution du chômage et en conséquence de l’output gap sera difficile.

{{III Techniques et procédures non conventionnelles de la BANQUE d’ANGLETERRE}}

Alors que le Royaume -Uni est un membre de l’Union Européenne il n’appartient pas à la zone €.
La Banque d’Angleterre a donc l’avantage d’organiser sa politique monétaire face à un seul gouvernement et dans un espace économique unifié mais abritant une des premières places financières mondiales: la City.

La Banque d’Angleterre (BoE) a mis en place comme les autres grandes banques centrales à la suite de la crise de 2008 des instruments non-conventionnels et les a maintenu en activité jusqu’à aujourd’hui.L’action de la BoE est visiblement articulée à la politique économique du royaume.

Le principal instrument de la BoE est un programme d’achat d’actifs « Asset Purchase Facility » APF,mis en place dès mars 2009 et qui a atteint 375Milliard de £ en novembre 2012 .Ces achats d’actifs ont porté sur les bons du Trésor britanniques ,»gilts» essentiellement à moyen et long termes et leur volume actuel représente près du quart du PIB annuel.

Compte tenu de l’échéance privilégiée ,l’objectif visé est d’abaisser les taux à long terme ,ce qui est supposé faciliter les conditions de prêt sur les marchés financiers .Il s’agit aussi de substituer dans les actifs des compagnies d’assurance et des fonds de pension aux titres publics rachetés par la Banque Centrale des titres privés:actions, obligations dont les prix devraient s’élever en conséquence.

D’après une note parue dans le bulletin de la Banque d’Angleterre les résultats de cette action auraient été significatifs avec une hausse du PIB réel de 1,5 à 2% et une hausse du taux d’inflation de 0,75à 1,50%

Néanmoins en 2012 la BoE ne s’est plus limitée à l’assouplissement quantitatif .Elle a développé
« l’Extended Collateral Term Repo Facility » Réserve de liquidité destinée à répondre aux tensions de nature exceptionnelle sur le marché ,elle est mise en œuvre sous la forme de lignes de liquidité qui sont ouvertes mensuellement.

En juillet 2012 la BoE a ouvert un dispositif répondant à l’aggravation de la crises de la zone €:le « Funding for lending scheme».Ce dispositif permet aux banques d’obtenir des financements à long terme à des taux inférieurs à ceux du marché en contrepartie d’une gamme élargie de collatéraux.Ce
dispositif diffère du refinancement à long terme de la BCE parce qu’il est lié aux prêts accordés aux entreprises par les banques.Il a permis d’obtenir une baisse sur le taux de financement à long terme y compris sur ceux des prêts hypothécaires.

La BoE n’avait pas la même rigueur que la BCE jusqu’à la crise dans la lutte contre l’inflation.Et elle est constamment après le 2ème semestre 2009 au-dessus de l’objectif de 2%. En septembre 2011 le taux d’inflation atteint 5,2% .La BoE a alors choisi de réduire les facteurs sous-jacents de l’inflation
tenant au sous-emploi des facteurs de production.Elle est soutenue dans ce choix par le gouvernement britannique qui en 2013 a affiché le caractère flexible de la cible d’inflation tout en maintenant un objectif de stabilité à moyen terme.

Les résultats sont favorables avec une inflation à 2% en décembre 2013, un taux de chômage de 7,4% et une prévision de croissance du PIB de 2,4% prévu pour 2014.

A la différence de la BCE, la politique monétaire de la BoE est construite en coordination avec la politique économique du gouvernement. Il lui est cependant demandé de justifier ses arbitrages.
Un certain guidage des anticipations est envisagé pour 2014 avec la publication de seuils intermédiaires. Les indicateurs retenus seraient significativement les capacités non employées dans l’économie.

Contrairement à la BCE la BoE a donc directement financé le Trésor britannique et plus récemment mis en place une facilité d’accès à la liquidité pour les banques pour leur permettre de répondre à d’éventuelles tensions du marché.

Les résultats obtenus sont en faveur de cette politique non conventionnelle qui s’inscrit cependant dans la tradition innovante de la Banque Centrale britannique.

{{Une Banque Centrale affrontée à une déflation persistante: la BANQUE du JAPON}}

Une nouvelle équipe dirigeante entrée en fonction en mars 2013 a totalement modifié le régime de la gestion monétaire japonaise avec l’appui du 1er ministre M;Abe. Les gouvernements précédents n’ont pas réussi à maîtriser la déflation dont on peut remarquer qu’ils n’avaient pas fait un objectif affiché ..Cette situation était soutenable parce que la dette publique japonaise est portée par les ménages japonais.

Selon les analyses des spécialistes de l’économie japonaise[[ http://etudes-economiques.credit-agricole.com N°13/34 p 7-8 ]] les effets de la crise de 2008 y ont été atténués parce que la Banque du Japon a pratiqué un assouplissement monétaire important avec des achats substantiels d’actifs.

Contrairement aux pratiques antérieures les nouveaux responsables affichent parmi leurs instruments l’achat de bons du Trésor du Japon en abandonnant les limites jusqu’alors imposées: les bons du Trésor à long terme détenus par la Banque Centrale devaient être d’un montant total inférieur à celui de la monnaie fiduciaire en circulation. Il s’agissait d’éviter la monétisation de la dette publique. Désormais les opérations de la Banque Centrale se font sur toutes les maturités et sans les limites antérieures.

La Banque du Japon (BoJ) a fait le choix d’une action quantitative en doublant le montant mensuel des achats de bons du Trésor et en augmentant le montant de se achats d’actifs à risque .
La BoJ a également adopté un objectif de progression annuelle de la base monétaire. Il s’agit en fait pour la BoJ d’augmenter son bilan aussi rapidement que celui de la FED dans les 2 prochaines années.

En publiant ces objectifs la Banque Centrale japonaise espère susciter la confiance .En particulier l’objectif d’une progression des prix de 2% est affiché par rapport à l’indice des prix à la consommation à un horizon à 2 ans .

Le taux de change dollar/yen demeure cependant jusqu’à présent défavorable au yen.
Il faut remarquer que la politique de la Banque Centrale japonaise n’a pas jusqu’à présent obtenu le soutien des industriels japonais .Ils conditionnent la hausse des salaires à la réussite de la politique de lutte contre la déflation la privant ainsi d’un facteur essentiel de réussite.

En conclusion,alors que jusqu’ici l’analyse portait essentiellement sur les canaux de transmission de la politique monétaire:taux d’intérêt,comportements des banques, elle ne pourra échapper à la prise en compte de l’incidence du guidage des anticipations et donc à l’impact du discours des présidents et gouverneurs des Banques Centrales .Cela peut être réalisé au travers de la mesure quantifiée des
modifications de comportements qui en résultent mais cette démarche devrait être éclairée par le recours à d’autres sciences sociales qui étudieraient les liens entre confiance et discours.

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