Plus la « crise » s’approfondit, plus il est manifeste qu’elle met en jeu le fondement et les finalités de notre société. Cela va à l’encontre de ce que pensent, formatés par les medias et les cercles d’influence, la majorité de nos concitoyens et, plus grave, de ceux qui nous dirigent. Il suffirait d’une bonne cure d’austérité (essentiellement payée par les couches populaires et les couches moyennes comme cela se passe en Grèce et en Espagne), de milliards de dollars et d’euros déversés par les banques centrales et de réformettes « structurelles », pour relancer la croissance et remettre d’aplomb le « système » malade. Il faut avoir le courage de dire qu’il n’en est pas ainsi. Nous sommes, en fait, appelés à une profonde réflexion sur la manière actuelle dont fonctionne notre société, manière qui nous emmène tout droit dans le mur. Plusieurs personnalités ont accepté d’apporter leur pierre à cette réflexion en intervenant devant les membres du Cercle Condorcet de Paris. On en trouvera, ci-après, quelques extraits.
Patrick Viveret, avec sa dimension de visionnaire, décortique les arcanes du fonctionnement des marchés financiers qui dominent le monde en montrant qu’ils sont entre les mains d’automates, de « maniaco-dépressifs » et de « cyniques », et non les individus rationnels que décrit la « théorie ». Il explique que ceux-ci instaurent une temporalité incompatible avec celle de la démocratie. Il prône une réforme de celle-ci permettant de dépasser les effets de la loi du nombre, dont on a vu certaines conséquences perverses au cours de l’Histoire, en donnant la place aux minorités et élaborant une méthode permettant d’utiliser positivement les conflits.
Stéphane Rozès montre comment, face aux marchés financiers, et compte tenu de la crise du capitalisme qui empêche la projection dans un futur meilleur, les Français resserrent les rangs et se réfugient dans un imaginaire qui met en avant des valeurs communes – la République et la citoyenneté –, dans un moment particulier où ils éprouvent le besoin de se redire ce qu’ils veulent faire ensemble. Dans ce moment, les candidats présidentiels doivent entrer dans l’imaginaire du pays et leur aptitude à se présenter, avec le récit d’un « sauveur », dans la position du « premier de cordée » au bord du précipice, est essentielle.
Ces interventions viennent enrichir la réflexion du Cercle Condorcet de Paris en vue de contribuer à l’émergence d’un nouveau paradigme économique, social, écologique et culturel pour la conduite de la société en France et en Europe.