Une fois de plus, l’Europe a mobilisé notre attention. On a pu croire que les mesures prises au cours des derniers mois –?création du Mécanisme européen de stabilité, mise en place des « Opérations monétaires sur titres » (OMT) par la BCE, décision de créer une union bancaire – avaient calmé le jeu. Les élections en Italie, avant la révélation des difficultés bancaires de Chypre, ont rappelé qu’il n’en était rien et que le caractère technocratique et, par bien des aspects, antidémocratique, du mode de fonctionnement de l’Europe constituait un frein redoutable à toute progression de celle-ci vers une solution à ses problèmes.
Les récentes conférences plénières du Cercle Condorcet de Paris ont apporté leurs pierres à la réflexion sur cette situation désastreuse qui résulte de l’apathie et de l’aveuglement des élites dirigeantes européennes.
Tout d’abord, Dominique Rousseau, dont on trouvera le compte rendu de l’exposé ci-après, a clairement pris parti en montrant que la solution pour sortir l’Europe de l’impasse passait par une réinvention de l’idée européenne obligeant à un déplacement des lieux de la compétence et du débat démocratique des Etats vers le niveau européen?: « Le moment historique qui est le nôtre nous oblige à basculer conceptuellement, intellectuellement… à changer nos catégories et les limites avec lesquelles nous percevons notre réalité politique pour en inventer d’autres qui nous permettent de penser notre temps présent.?»
Quatre mois après, un débat sur la situation de l’Europe et les issues qu’elle laissait entrevoir a opposé deux visions de son avenir?:
• celle de l’économiste Jean-Luc Gréau qui met l’accent sur les handicaps d’une Europe qui n’a pas vu venir, ni su traiter la crise financière issue des Etats-Unis qui est en train de la détruire sous les fourches caudines du triangle Berlin-New York-Pékin ;
• celle de Jean-Pierre Pagé qui, sans sous-estimer les erreurs commises par ses dirigeants, préconise un saut vers une union restaurant l’indispensable contrôle démocratique des décisions et passant à un stade plus avancé de mutualisation des risques et de leurs conséquences.
Le lecteur trouvera aussi dans ce numéro de la Lettre un bref hommage à Stéphane Hessel dont nous n’oublions pas qu’il a été l’un des fondateurs de notre Cercle. Il en est resté membre jusqu’à un passé récent. Il a toujours répondu avec plaisir et enthousiasme à nos invitations. ?
Michel Cabirol et Jean-Pierre Pagé, coprésidents