L’Europe dans l’obligation d’agir

Le « BREXIT » aura pris au dépourvu les dirigeants continentaux, comme en témoigne une certaine propension à temporiser pour voir comment la situation va évoluer (ne serait-ce qu’au sein de la Grande-Bretagne où s’affrontent les tendances contradictoires). Il ne faudrait pas que cette attitude se généralise, d’autant plus qu’elle correspond bien à un certain comportement de nos édiles qui préfèrent la recherche d’un compromis, fut-il boiteux, à celle de solutions tranchées. On ne soulignera, en effet, jamais assez combien est scandaleuse la déshérence dans laquelle ceux-ci auront laissé dériver l’Europe.

C’est pourtant l’occasion ou jamais d’agir. Faut-il rappeler que l’Union européenne ne dispose toujours pas d’une structure correcte de gouvernement démocratique à laquelle ne peut tenir lieu l’actuel Parlement Européen en raison de l’indifférence générale dans laquelle s’effectue son élection et de la faiblesse de ses pouvoirs. En témoigne, notamment, la mise à l’écart, de fait, dans laquelle il est tenu en ce qui concerne les grandes décisions économiques relatives à la Zone Euro, la Commission Européenne, pour sa part, s’apparentant juridiquement beaucoup plus à une structure administrative qu’à un organe de décision.

Témoigne aussi de la faiblesse de ce dispositif la scandaleuse manière avec laquelle s’est effectuée, en catimini, sans aucun contrôle démocratique, la négociation (dont on vient de voir le caractère vain !) entre David Cameron et le duo constitué par le Président de la Commission et le Président du Conseil Européen coopté par ses pairs. En témoigne, enfin, la façon dont l’Eurogroupe, là encore institution sans aucune légitimité, ni, même, existence statutaire, a conduit la « réponse » à la « crise grecque ».
Aujourd’hui, l’Europe se trouve face à un « diktat » britannique que n’a pu éviter la lamentable tentative de négociation rappelée ci-dessus, et sans les institutions permettant d’y faire face. Faute d’un réel « Président de l’Europe », en bonne et due forme, il est donc revenu au chef de l’un des pays membres, Madame Merkel, de convoquer une réunion dans ses bureaux à Berlin. Et les réponses qu’évoquent certains personnages publics dans notre pays laissent pantois. Que ce soit l’idée d’un référendum sur l’Europe ou celle d’un « bricolage sur la sécurité », elles ne sauraient en tenir lieu.

Il convient aujourd’hui que les responsables élus des pays européens, au premier rang desquels la Chancelière allemande et le Président français, osent aborder de front les questions qui fâchent en Europe et que l’on s’efforce d’esquiver. Il ne s’agit pas tellement de savoir si l’on va avoir besoin d’un nouveau Traité – ceci dépendra de ce que l’on entendra faire – mais comment l’on entend restructurer l’Europe face au séisme qu’elle connait et avec la légitimité démocratique nécessaire.
Les questions pendantes sont, bien entendu, la politique de la Sécurité que l’Europe doit mettre en place face aux défis du djihadisme et à la déferlante migratoire avec les moyens nécessaires, la politique de la Défense et, plus largement, celle des Relations de l’Europe avec l’Extérieur qui fait l’objet actuellement d’un Service de la Commission Européenne dont le statut mériterait d’être revalorisé.

Il pourrait s’agir aussi de mettre à la tête de la Zone Euro, un responsable, dont la légitimité soit assise et reconnue, et qui devrait rendre des comptes de son activité devant le Parlement européen ou une « Chambre spéciale » de contrôle de cette Zone, de façon à mettre fin à la « cuisine » de l’Eurogroupe. La situation a profondément évolué. Avec l’abandon par le FMI de la doctrine de l’austérité, s’amorce une modification mettant en priorité les investissements, y compris publics, et la volonté de donner plus d’extension au programme Juncker. Le moment est venu pour un changement d’orientations s’appuyant sur le rôle du MES[[Mécanisme Européen de Stabilité]] et n’excluant pas l’idée d’un budget fédéral finançant des investissements digne de ce nom (ce ne serait que la généralisation du système des « fonds structurels » utilisé pour l’Europe de l’Est).

Tout ceci peut apparaître encore trop ambitieux pour nos édiles désireux de ne pas effrayer les populations. L’erreur serait cependant de croire que l’on s’en tirera par quelques «bricolages » à quelques-uns, comme à l’accoutumé. La situation est suffisamment grave pour exiger des remèdes de fond.

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