Pour une paix durable

es attentats du 11 septembre ont choqué le monde par leur violence mais aussi par leur caractère inattendu.
Ne parlait-on pas au début des années quatre-vingt dix d’une “fin de l’Histoire” par la victoire de la démocratie et l’instauration d’un Nouvel Ordre Mondial ?

Un fort sentiment de compassion s’est développé vis à vis des victimes et ces attentats doivent être condamnés fermement et sans réserve.
Toutefois, il ne faut pas se laisser submerger par l’émotion – un commentateur comparait l’importance de ces attentats à celle de la chute du rideau de fer ! -, ni par une vision à court terme. Il est donc indispensable de comprendre les causes profondes de cette horreur, mais aussi la situation avant le 11 septembre (Nouvel Ordre Mondial démocratique ou domination de l’hyper puissance américaine ) ? Si cette démarche n’est accomplie, on risque de passer d’une mode – la « fin de l’Histoire » – à l’autre – « le choc des civilisations » -, donc d’une erreur ou d’une illusion à l’autre.

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Même si beaucoup a été dit concernant la différence entre Islam et islamisme, il ne faudra pas utiliser le terme de terrorisme de façon indifférenciée : l’action de réseaux très bien organisés et disposant de moyens importants, voire de l’appui d’Etats, doit être distinguée d’actions quasi individuelles traduisant le désespoir de leurs auteurs. En effet, on assiste, en Afghanistan et ailleurs, à l’émergence de groupes intégristes avec à leur tête des idéologues qui sont les (in)dignes émules d’Hitler ou des Khmers Rouges. Il faut les combattre sans faiblesse, mais aussi cesser de générer les circonstances qui rallieront à leur cause un nombre croissant de désespérés. L’attitude de l’actuel gouvernement israélien ou le comportement de l’armée russe même dans les villages pro russes de Tchétchénie aggravent la situation.

Ces attentats remettent en question la stratégie récente des pays développés a fortiori des Etats – Unis qui cherchent à se développer de façon de plus en plus autocentrée en négligeant ce qui se passe dans le reste du monde. Ceci s’est traduit par le faible intérêt généré par les guerres persistantes en Afrique (Soudan, Angola, Grands Lacs…), mais aussi par la création d’un bouclier antimissile ou, sur le plan économique, par la bulle Internet – « le sixième continent » !, par le refus de fournir des médicaments contre le SIDA à bas prix, etc …

La situation actuelle devrait pousser les Etats-Unis à revoir en profondeur leurs politiques de défense et de renseignement et leur politique étrangère. Il est, par exemple, souhaitable que le gouvernement américain réalise que la construction d’un bouclier antimissile nourrirait grassement le complexe militaro-industriel américain, mais qu’il serait, sur le plan militaire, au mieux une nouvelle ligne Maginot, voire qu’il relancerait la course aux armements. Les sommes ainsi libérées pourraient être utilisées de façon beaucoup plus judicieuses. D’autre part, le soutien des Occidentaux à des régimes corrompus ou extrémistes (dictateurs sud américains ou asiatiques, voire des sectes, ou Ben Laden lui-même), sous prétexte qu’ils étaient anticommunistes, ou qu’ils permettent aux multinationales de réaliser de confortables bénéfices en exploitant des ressources naturelles, ou la main d’œuvre locale, devra être revu !
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Le plus rapidement possible, les Occidentaux doivent s’attaquer à deux tâches prioritaires s’ils veulent lutter efficacement contre le terrorisme :
– résoudre la crise au Moyen Orient.
– promouvoir un développement économique et démocratique de l’ensemble de la planète.
Sinon, on risque d’entrer dans une spirale violente de terrorisme et de répression ou de régression de la démocratie.

La situation au Moyen Orient représente, en effet, un abcès qui nourrit l’intégrisme et pourrit les relations entre le monde arabo-musulman et le monde occidental.
La situation entre Israéliens et Palestiniens s’est fortement dégradée depuis quelques mois : les attaques de Tsahal répondent aux attentats suicides de Palestiniens désespérés ; les violences verbales entre les deux camps – traiter Arafat de Ben Laden local relève de la provocation et non de l’analyse politique – justifient des interventions toujours plus agressives.

Il est peut-être naïf de penser que les récents attentats pourraient servir d’électrochoc dans la région. Chaque camp devrait, peut-être sous la pression des Etats-Unis ou des Européens, avoir le courage de faire les concessions permettant d’enclencher un nouveau processus de paix fondé sur le respect mutuel. Le plan Mitchell pourrait servir de base de négociation et permettre la création d’un Etat palestinien viable en échange de la sécurité d’Israël. Il sera indispensable d’accompagner ce processus d’un véritable plan de développement de l’Etat palestinien qui devra être démocratique et lutter contre la corruption et le terrorisme.

Il ne faudra pas non plus oublier l’Irak où la « communauté internationale » étrangle et fait mourir
à petit feu tout un peuple sans que Saddam Hussein ne soit vraiment inquiété ! Cette situation est ressentie par le monde arabe comme une humiliation permanente qui doit cesser rapidement. Pourquoi ne pas envisager un retrait négocié de Saddam Hussein et un processus de transition vers la démocratie de ce pays, qui est le seul pays arabe laïque important d’Asie?
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L’amélioration de la situation au Moyen Orient est une condition nécessaire de la détente, mais le combat de fond contre l’obscurantisme et le terrorisme passe par un véritable développement, dans le respect mutuel des valeurs, qui redonne l’espoir à tous. On ne peut plus négliger un quart de l’humanité qui survit avec moins de deux euros par jour !

La mise en œuvre de ce programme doit être adaptée à chaque pays, mais il importe de respecter quelques principes dans tous les cas :
– promotion de la démocratie et lutte contre la corruption qui conduiront à une baisse des inégalités. Les accusations de néocolonialisme ou d’européocentrisme liées à cette démarche doivent être vigoureusement réfutées. Une conséquence sera la lutte ferme contre « l’argent sale » et les paradis fiscaux.
– un véritable plan de développement certes économique, mais aussi concernant l’éducation, la santé et l’hygiène. Acceptera-t-on longtemps qu’un cinquième de la population mondiale n’ait pas accès à une eau potable ? L’amélioration de la condition féminine, la valorisation de la culture locale…

La réussite de ce plan passera aussi par des rapports économiques plus équilibrés entre pays et par un frein à la libéralisation à outrance des échanges qui ne permet pas aux pays en développement de construire une base économique solide.
Ces deux chantiers – paix au Moyen Orient et plan de développement mondial – représentent un travail énorme et des remises en cause fondamentales. Toutefois, cette démarche permettrait d’instaurer une paix durable et représenterait un des plus beaux hommages rendus aux victimes du 11 septembre.

Michel Cabirol

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