Quelle place pour la culture musulmane dans la société française?

La Fédération de Paris de la Ligue de l’Enseignement et le Cercle Condorcet de Paris ont organisé un débat sur ce thème, le 28 mars 2007, à la maison de l’Europe. Trois intervenants – un ancien membre de la “Commission Stasi” : Hanifa Cherifi, un philosophe : Joël Roman, et une aumonière musulmane : Saliha Brahimi – ont abordé divers enjeux d’un sujet qui est largement présent dans l’actualité.

Le débat a été introduit et animé par Robert Bistolfi, membre du Comité de rédaction de la revue “Confluences Méditerranée” et membre du Conseil d’administration du Cercle Condorcet de Paris. Il a rappelé les liens anciens de la société française avec l’islam, la manière dont, depuis plusieurs années, le contexte socio-économique pèse sur les perceptions du fait musulman, les emballements récents auxquels les exploitations politiciennes du sujet et certaines dérives identitaires ont conduit.

Joël Roman a articulé son intervention sur la démonstration qu’il fait dans son livre “Eux et Nous” , selon laquelle il ne s’agit pas d’un problème d’intégration comme on l’entend encore souvent. Le philosophe prend le parti, assez réussi, d’interroger le phénomène de “mise à distance” que constitue cette séparation entre “Eux” (appellation floue et contradictoire qui peut désigner dans le langage commun, selon le cas, le jeune issu de l’immigration, de la banlieue, le musulman, le délinquant), et “Nous” (un “nous” qui marque ici la séparation). L’orateur résume ainsi cette mécanique funeste : “On ne sait pas qui sont “Eux”, mais nous savons qu’ils ne sont pas “Nous”.”
Pour lui cette opposition trouve sa source dans deux phénomènes, d’une part un système d’intégration sociale (à travers le travail, l’école…) qui ne fonctionne plus, d’autre part une identité française qui hésite en permanence entre deux visions, l’une unitaire, l’autre pluraliste, prétendant chacune à l’exclusivité.

Saliha Brahimi s’est d’abord interrogée sur la naissance d’une identité française qu’elle fait remonter très loin dans le temps, avant d’exprimer se conviction qu’il n’existe pas de dichotomie entre la religion et la loi républicaine.

Hanifa Cherifi, quant à elle, a axé son exposé sur la laïcité. S’appuyant sur sa fonction passée de médiatrice de l’Education Nationale, elle a cherché à démontrer que, dans les années 1990, un certain nombre de familles avaient été instrumentalisées par des islamistes. Pour elle, le vote de la loi sur les signes religieux à l’école a permis de mettre un terme à une imprécision de la règle et aux agitations que l’on a connues.

Dans l’échange avec la salle qui a suivi, ont alors été abordées diverses questions : Une éducation religieuse est elle nécessaire? Recourir à une loi pour l’interdiction des signes religieux ne soulève-t-elle pas des interrogations? La loi votée s’applique-t-elle également aux parents qui accompagnent les sorties scolaires? Assiste-t-on à des régressions identitaires ? Quel rôle joue encore le phénomène historique de la colonisation dans les représentations structurant les imaginaires de la société française?

S’il n’a pu être répondu à toutes les interrogations ayant conduit à l’organisation du débat, l’éclairage porté par chacun des intervenants, tant à la tribune que dans la salle, aura néanmoins permis à tous les présents de progresser dans leur réflexion sur le thème – Individualismes, communautés, destin commun : Comment faire société? – que la Ligue de l’Enseignement traitera lors de son prochain Congrès, du 28 juin au 1er juillet 2007 à Paris.

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