Un autre monde, tel était le titre que nous avions donné à l’éditorial de la Lettre de novembre 2006.
Nous ne pensions pas si bien dire. Le 7 mai 2007, les Français se sont réveillés, effectivement, dans un autre monde où les concepts Gauche, Droite, démocratie;, les styles de campagne, de gouvernement , et les repères, qui avaient jusqu’ici guidé leur réflexion, ont pris un sérieux coup de vieux. Plusieurs signes en témoignent:
D’abord, le type de présidence inauguré par le nouveau Président de la République. Un Président qui, à l’opposé de ses prédécesseurs désireux de maintenir une distance entre la fonction et l’action, a à coeur de prendre en main lui-même tous les sujets d’actualité (le réchauffement climatique, la relance de l’Europe)voire le sort des « femmes battues ». « Je vais m’en occuper », répond-t-il à un quidam qui l’interpelle à propos d’une situation particulière. Un Président près du peuple (pour ne pas utiliser l’affreux adjectif « people ») qui ne cache rien des émois et des sentiments de son titulaire et ceux de son entourage immédiat. Un Président moins majestueux, mais hyperactif, voire omnipotent, et cela plaît. Un Président qui n’hésite pas à transgresser la règle privilégiant le cercle de ses amis (sans pour autant oublier ceux-ci, ni renoncer à les placer dans des postes stratégiques de la société civile), pour pratiquer une « ouverture », que l’on pourra qualifier de diverses façons, mais qui résulte avant tout d’un calcul rationnel, et a pour objet d”étendre et consolider son emprise sur le pays et l’;opinion. Un Président qui veut donner l’impression qu’il va réformer en profondeur la France, même s”il faut bien reconnaître que les premières mesures (fiscales) qu’il veut faire prendre avantagent nettement les plus riches de nos concitoyens et, si le gouvernement ne veut pas laisser filer le déficit budgétaire et la dette, risquent fort de l’obliger à faire appel à tous les français pour combler le trou.
Face à cette situation qui paraît lui tourner la tête, la Gauche ne se reconnaît plus,
ne sait plus où elle en est. Impuissante à opposer à ce raz-de-marée une vision et un programme crédibles et unifiés, faute d’un accord entre des fractions du parti dominant profondément divisées quant aux objectifs à atteindre et à la stratégie à mener pour ce faire, elle n’a pu, dans un premier temps, que serrer les rangs en vue de limiter les dégâts et faire élire suffisamment de députés pour constituer une opposition valable et efficace, avant de se ressaisir pour prendre l’offensive sur le plan social..
Il convient, maintenant, de préparer la refondation de la Gauche, ce qui exige une remise en question sans complaisance de son identité, de ses valeurs, de son projet et de
son positionnement face à la mondialisation. Les conférences de Pierre Rosanvallon et de Daniel Bensaïd ont contribué à déblayer le terrain. Les tribunes libres qui suivent ont,
modestement, le même objet.