Un «?New Deal?» pour l’Europe ou Comment réduire la crise de la zone euro

La conférence de Michel Aglietta étant disponible sur le site du Cercle Condorcet, on trouvera ici une synthèse de ses réponses à la question : « Comment résoudre la crise de la zone euro

[{{{Ecouter Michel Aglietta}}}->http://youtu.be/5Vic0lBUX0w]

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Compte-rendu de Françoise Renversez, membre du Cercle}

Pour {{Michel Aglietta}}, au départ de la crise, trois erreurs graves ont été commises?:

– un assainissement trop timoré des bilans bancaires qui a contribué à la paralysie du crédit ;

– une extension de la crise grecque qui, compte tenu de sa dimension initiale,
n’aurait jamais du se produire ;

– des ajustements budgétaires trop brutaux parce que trop rapides.

{{Des contractions budgétaires défavorables à la croissance}}

Les ajustements budgétaires ont provoqué des réductions des dépenses publiques dont les conséquences ont dépassé ce qui avait été anticipé. Le FMI a lui-même indiqué que la contraction était supérieure à ce que les travaux sur lesquels il s’appuyait permettait d’anticiper : le multiplicateur de la contraction a été largement supérieur aux estimations. Le décalage entre la production potentielle que permettraient de réaliser dans chaque économie le capital et le travail disponibles et la production effectivement réalisée s’est accru. Utilisant la terminologie internationale pour désigner cet écart, Michel Aglietta évalue l’output gap à 3,5 % du PIB (produit intérieur brut).

La recherche de la consolidation budgétaire a négligé l’amélioration de l’offre qui résulte de l’investissement public, celui-ci est passé de 4 % à 2 % du PIB dans un contexte où les banques sont paralysées par leurs incertitudes réciproques sur leur bilans.

{{Résoudre la crise bancaire}}

Les banques doivent être replacées dans un ensemble de règles et de procédures de contrôle uniformes à travers la zone euro qui empêchent le recours au «?too big to fail?». Les procédures de restructuration doivent pouvoir aller jusqu’à la faillite. Michel Aglietta insiste sur plusieurs points :

– Les procédures de résolution des difficultés doivent avant tout impliquer les créanciers de grande taille des banques (apporteurs de capitaux) et donc se ­fonder sur le bail in (selon la terminologie internationale) c’est-à-dire l’absorption des pertes par les créanciers dont la taille leur permettrait de contrôler les banques et dont le laxisme résultant de la recherche d’un taux de rentabilité excessif a contribué à la dérive de l’endettement. Cette pratique se substituerait au bail out actuel : le sauvetage des banques par les déposants ou les contribuables via les Etats. Techniquement cela consisterait à transformer les obligations en actions sur la décision de l’institution de tutelle, sans recours juridique possible.

– La taille des grandes banques les rend ingouvernables. Michel Aglietta préconise la définition d’une doctrine de séparation de la banque commerciale et de la banque d’investissement sur la base du rapport Liikanen qui pourrait inspirer une directive adaptée à la situation européenne.

La situation reste dangereuse pour l’Europe tant que l’union bancaire n’est pas conclue.

– Le projet d’union bancaire est une avancée considérable, la partie supervision qui concerne 124 banques importantes dont le comportement est déterminant est bien assurée.

L’économie a besoin d’une régulation macrofinancière en rapport avec la politique monétaire.

Les stress-tests doivent porter tant sur le microfinancier que sur le macrofinancier sinon ils seront inefficaces. Seules les banques centrales nationales ont la capacité de faire ce travail.

Une union bancaire n’est pas concevable sans union budgétaire.

{{La question de la dette publique }}

La question des dettes publiques insolvables ne pourra pas être éludée indéfiniment. Tout l’effort des finances publiques passe à payer la dette. La BCE, les Etats portent la dette grecque. Ni les gouvernements ni la BCE n’accepteraient l’annulation. Un rééchelonnement devrait être envisagé pour alléger la charge annuelle et la rendre gérable. L’Allemagne a en effet bénéficié deux fois de ce processus en 1924 et en 1930.

Une évolution est possible vers une union budgétaire. Le fait que la notion de solde structurel soit adoptée constitue pour Michel Aglietta une étape, il s’agit du solde qui se dégagerait dans une économie si les mouvements conjoncturels n’existaient pas, en d’autres termes la correction est faite des variations cycliques, il faudrait aller au solde structurel à trois ans. Une avancée institutionnelle serait nécessaire. Le maintien de l’euro implique un pouvoir européen et un institut budgétaire dépendant du Parlement européen. Pour concerner le Parlement dans les affaires budgétaires il faudrait y concevoir une participation active soit de parlementaires spécialistes soit de techniciens rendant compte aux parlementaires.

En l’état actuel de l’évaluation des déficits il ne peut y avoir de financement de l’investissement public par la dette. Ce qui équivaut à un autofinancement de l’investissement impliquant une forte contraction de son volume. Michel Aglietta souligne, contrairement aux propos souvent entendus, qu’il est logique que les générations futures participent au financement d’un investissement dont elles profiteront. La contrainte sur le solde budgétaire devrait s’exercer hors investissement.

Cette faiblesse de l’investissement explique que la croissance de la productivité du travail soit nulle par rapport à 2007. La productivité des facteurs baisse.
Il faudrait, estime Michel Aglietta, «?re-territorialiser?» l’investissement là où il a disparu en repensant la notion de compétitivité. C’est une erreur de considérer la compétitivité nationale comme celle d’une entre­prise. Cela n’a aucun sens pour une nation. Le problème n’est pas la baisse du coût par rapport aux autres producteurs mais de créer des avantages comparatifs nationaux. Une coordination est nécessaire pour la production européenne. Un système industriel est un ensemble lié d’entreprises avec un système d’innovation et une coordination. En Allemagne le système existe. La France a eu un système industrialo-étatiste.

Aujourd’hui plus de 50 % des entreprises du CAC 40 sont non françaises et les profits ne sont pas rapatriés. Il faut remettre en place une organisation industrielle. C’est l’objet de la mission confiée à Jean Pisani-Ferry. ?
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Compte-rendu de Françoise Renversez, membre du Cercle}

Les analyses présentées dans cette conférence par Michel Aglietta sont développées dans son ouvrage Un New Deal pour l’Europe, écrit avec Thomas Brand, éd. Odile Jacob, 2013.

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