Tribune Libre: Quelles relations avec la Russie ?

Il était facile[[ . Cet article de Michel Cabirol, membre du Cercle, est disponible dans sa version intégrale sur le site http:/cercle-condorcet-de-paris.org]] de se positionner contre Staline et contre l’Empire soviétique qui faisaient planer une menace mortelle sur l’Europe occidentale. On se souvient de la phrase de François Mitterrand devant le Bundestag : « les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles à l’Est ».
La venue au pouvoir d’un dirigeant jeune, lucide et pacifique, Mikhail Gorbatchev, a permis de débloquer la situation de façon apaisée. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Toutefois, il ne faut pas oublier l’amour des Russes pour leur patrie et leur grande culture. Ils ont fait des concessions énormes pour préserver la paix mais l’Occident n’a pas tenu ses promesses (les pays de l’ancien pacte de Varsovie ne devaient pas rejoindre l’OTAN) et a essayé de pousser son avantage au maximum surtout au moment de la crise économique de la fin des années 1990. La situation en Ukraine et l’aventure de l’armée géorgienne en Ossétie du Sud ont été des casus belli majeurs pour les Russes. L’appui inconditionnel au régime barbare de Assad en Syrie traduit plus la peur de perdre un de ses derniers points d’appui au Moyen-Orient et la faiblesse de l’Occident qu’une approbation de ce régime.
En outre, le moment le plus « démocratique » de l’histoire russe a coïncidé avec la présidence Eltsine et a consisté en une thérapie de choc sur le plan économique couplé avec une recrudescence de la corruption.
Cette situation explique pourquoi, malgré les problèmes économiques et le net recul des libertés, Vladimir Poutine reste populaire en Russie : il a redonné de la fierté aux Russes.
Le fossé grandissant entre l’Europe et la Russie est inquiétant pour l’Europe mais il est en train de devenir mortel pour la Russie. En effet, sa seule véritable alternative stratégique peut être schématisée entre être le troisième pilier de la civilisation occidentale ou être phagocytée par la Chine.

En effet, la Russie ne dispose plus au niveau mondial, malgré tous ses atouts, de la force suffisante pour constituer un bloc ou un pôle à elle seule. Le déséquilibre majeur se situe en Sibérie où quelques dizaines de millions de Russes possèdent un territoire immense regorgeant de ressources naturelles face à une Chine de un milliard trois cents millions d’habitants manquant de ressources sur un territoire exigu avec de forts problèmes environnementaux. Les Chinois « envahissent » graduellement la Sibérie d’un côté et essayent de placer leurs pions en Europe Centrale et Orientale. La dérive autoritaire de certains PECO les conduit à chercher en Chine un contrepoids à Moscou et à Bruxelles.
Il est donc crucial pour l’Europe de construire un plan à long terme visant des relations équilibrées avec la Russie. Ceci implique de bâtir graduellement une relation de confiance réciproque avec ce pays et donc de se démarquer de certains faucons américains qui cherchent à maintenir un niveau élevé de tension en Europe orientale.
Un premier pas pour l’Europe serait de reconnaître le caractère russe de la Crimée (même si l’accord de dénucléarisation de l’Ukraine prévoyait l’intangibilité de ses frontières).
Il faudrait aussi lever graduellement les sanctions économiques contre la Russie : de toute façon, la majorité des oligarques du Dombass n’ont pas du tout envie de passer sous contrôle russe. Ces concessions pourraient avoir pour contreparties une réduction de la pression de la Russie sur les PECO et dans le Caucase. Des avancées réelles au niveau des droits de l’Homme seront toujours difficiles à obtenir de façon pérenne mais il n’est pas interdit d’essayer sur certains points précis.
La difficulté avec cette stratégie est de trouver un interlocuteur russe fiable. Il serait donc intéressant que la France discute avec l’Allemagne puis avec les autres pays européens d’une inflexion de l’attitude face à la Russie. En effet, une position européenne commune renforcerait significativement la probabilité d’arriver à un accord.

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