La politique étrangère et la politique de défense par Fadila Amrani

La politique étrangère et politique de défense : quel avenir pour l’Europe ?
Au moment où s’engage la deuxième guerre contre l’Irak, force est de reconnaître l’incapacité de l’Europe à s’affirmer en tant que telle sur la scène internationale. Elle est manifestement sans politique extérieure commune et dépourvue d’une capacité de défense lui permettant de jouer un rôle d’arbitrage, pour ne pas dire de dissuasion. On pourrait au premier abord considérer que l’unanimité des chefs d’Etat et de gouvernement qui a présidé à la constitution d’un grand marché économique a trouvé ses limites, au moment même où s’élabore une nouvelle armature politique européenne. Sans politique étrangère commune et sans sa propre capacité de défense, l’Europe peut-elle apparaître encore comme une entité viable et indépendante à long terme ? L’Europe peut-elle encore s’en doter ? Plusieurs constats doivent être faits : Le rôle attribué à l’ OTAN après la 2ème guerre mondiale ne correspond plus à la configuration internationale : Jusqu’en 1989 , il n’y a pas eu de réels efforts pour créer une politique étrangère et une défense européenne commune malgré le pacte de l’Union occidentale en 1948, le projet de Communauté européenne de défense en 1952 et les plans Fouchet en 1961 et 1962. La sécurité de l’Europe dépendait de l’alliance atlantique et de l’OTAN. L’Europe n’avait pas d’autonomie et dépendait entièrement de la bonne volonté américaine. Cela la conduit en matière de défense à réactiver en 1984 l’Union de l’Europe Occidentale (UEO). La disparition du Pacte de Varsovie va modifier cette situation. Le nouveau contexte international permet une réduction des forces nucléaires et classiques car le danger soviétique a disparu, mais il impose une redéfinition des stratégies et des attitudes de chaque pays comme de l’Alliance atlantique. Par ailleurs, la volonté de développer une identité européenne de défense conduit à envisager une mise en commun de certains moyens d’action. Le traité de Maastricht innove en instituant une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et consacre l’UEO comme la composante de défense de l’Union Européenne tout en renforçant l’Alliance atlantique. Il s’agit de développer une véritable identité européenne en matière de sécurité et de défense, les Etats membres doivent conformer leurs politiques nationales aux positions prises par le Conseil et coordonner leur action au sein des organisations internationales. L’autonomie de chaque Etat reste préservée par la règle de l’unanimité, assortie de la possibilité d’une abstention. En bref la politique de l’UE dans le domaine de la défense dépend non seulement de l’accord des Douze (Quinze et peut-être Vingt-Cinq), mais également de celui des les États-Unis car l’UE doit respecter les obligations qui découlent pour onze de ses douze membres de leur participation à l’Alliance atlantique. La politique de l’UE doit être compatible avec la politique de sécurité et de défense de l’Alliance Atlantique. En fait la logique de coopération intergouvernementale de la PESC a été assez timorée car elle nécessitait une convergence d’appréciation de la situation géostratégique entre les Etats membres. Le conflit dans les Balkans et celui que nous vivons montrent que les appréciations ont été pour le moins divergentes et que l’UE est loin de parler d’une même voix. Il est vrai également que les moyens européens pris collectivement demeurent insuffisants pour que l’on puisse envisager d’être en mesure de déployer des forces armées importantes sans recours aux moyens de l’Alliance atlantique. L’Europe s’est construite avec le double objectif de faire coïncider des intérêts communs et de protéger les particularités nationales. Parmi les particularités nationales il faut tenir compte des relations de solidarité existantes, la Grande Bretagne et ses liens privilégiés avec les USA en sont l’exemple type. La négociation et le rapprochement sont les modes privilégiés d’élaboration d’une politique commune de l’UE. Le marché unique a modifié le rapport symbolique des citoyens à la notion d’unité européenne. Les marchandises et des moyens financiers qui circulent, ont resserré les liens économiques, sociaux et culturels entre les citoyens des Etats européens. L’apparition de l’euro a matérialisé et constituecette unité, contrairement à l’écu qui restait une monnaie de conversion. Le marché européen a transformé les relations économiques entre les entreprises et les marchés financiers, resserrant les relations d’interdépendances des économies européennes et par-là même suscitant des intérêts économiques communs aux différentes économies de l’Union. Ces intérêts économiques s’opposent parfois aux intérêts de l’économie américaine. Si les prises de position des chefs d’Etat et de gouvernement concernant la 2ème guerre du Golfe ont créé deux camps, en revanche les opinions publiques des différents pays constituant actuellement l’Union Européenne ont concrétisé ce qui peut apparaître comme la naissance d’une opinion publique européenne (les discussions sur l’élaboration d’une Europe sociale n’ont pas suscité un tel mouvement). La construction européenne est un processus qui implique chaque citoyen, toutes les décisions importantes ont fait l’objet d’un référendum dans tous les pays de l’Union. La construction européenne est un processus, et ce processus n’est pas linéaire. Les questions : Il s’agit d’abord de bien saisir ce qu’on entend par Europe de la défense. S’agit-il de bien plus qu’une simple coordination d’armées nationales ? L’Europe de la défense est-elle la création d’un bras armé opérationnel, indépendant et agissant au nom de l’Europe ? Une politique étrangère commune suppose que la convergence entre les politiques étrangères des Etats de l’UE permette la concrétisation de ce que prévoit à terme le Traité de Maastricht. Le contexte actuel montre que cette convergence est loin d’être atteinte, phénomène qui risque de s’amplifier par l’entrée dans l’UE de nouveaux Etats. Quel degré d’autonomie l’UE veut-elle et peut-elle acquérir au sein de l’Alliance atlantique ? Le Conseil européen de Cologne de juin 1999 a entériné les principes de renforcement de la crédibilité et de l’efficacité de la politique étrangère de l’UE à travers deux objectifs essentiels : mettre en place une capacité de décision et une capacité d’action de l’Union en cas de crise (emploi de l’instrument militaire). Mais ces principes sont encore à préciser. Est-il possible de concevoir une politique étrangère et une politique de défense européenne en dehors de l’Alliance atlantique ? L’UE peut-elle avoir une politique étrangère commune sans une défense commune d’un niveau pouvant concurrencer celui des USA ? L’émergence d’une politique étrangère et une défense européenne signifie-t-elle que l’UE soit obligée de se lancer dans un programme de réarmement, c’est à dire fasse des choix budgétaires d’une part et reprenne les essais nucléaires que la France a abandonnés ? Une politique européenne de réarmement n’est-elle pas contraire à la conception de rapprochement par la négociation politique qui est au cœur même de l’idée de la construction européenne ? La définition d’un politique étrangère commune, voire la constitution d’une force armée spécifique, doivent-elles s’envisager d’emblée avec les nouveaux États membres ou ne concerner qu’un noyau dur de l’UE ? Enfin plus largement l’UE ne pourrait-elle pas apparaître comme le lieu géo-politique de la renaissance d’un mouvement des non-alignés ?

Fadila AMRANI Cercle Condorcet de Paris

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